La « victoire » du christianisme. Un transfert politico-religieux d’après la pensée de Lactance

   

Blandine Colot

 

Prenant appui sur l’étude de pietas chez Lactance que j’ai menée jadis et que d’autre façon je poursuis, je souhaiterais montrer comment la notion de transfert peut se révéler opérationnelle pour appréhender la question de ce que l’on a nommé ou nomme encore la « victoire » du christianisme, et préciser ainsi comment, par effet de retour, cette notion peut s’en trouver éclairée[1]. Comme l’emploi des guillemets le suggère, j’entends évoquer ici le problème que soulève le choix de ce mot aujourd’hui, autour duquel l’éminent spécialiste de l’Antiquité tardive Peter Brown identifie « le problème de la christianisation »[2]. Il s’agira en fait de mettre l’accent sur le concept de victoire en tant qu’il a occupé une place réelle et concrète dans l’histoire du règne de Constantin et dans l’historiographie de ce temps-là. Ce que Peter Brown a mis en relief, on va le voir, mais d’une manière, me semble-t-il, qui reste à compléter. Quelques préliminaires s’imposent néanmoins sur ce à quoi l’on s’intéresse lorsque l’on parle de « victoire » du christianisme.

Il ne s’agit pas de se préoccuper des « triomphes » et autres « victoires » que l’on rencontre toujours couramment, sans que le problème ait besoin d’être évoqué, pour rappeler une évidence rattachée à une date-clé de l’Histoire, selon laquelle la nouvelle religion du christianisme est considérée comme ayant supplanté la religion païenne dès lors qu’elle a redéfini à terme pour nous, en Occident, ce qu’est la religion elle-même. Mais il est possible, donc, de rapprocher l’idée portée par le terme victoire de celle plus globale de « christianisation ». Laquelle peut elle-même s’entendre de deux manières. En premier lieu, envisagé en relation directe avec la conversion de l’empereur Constantin, le terme de « christianisation » soutient le point de vue selon lequel une telle conversion implique ipsofacto de nouvelles formes d’exercice du pouvoir et un nouveau type de société. Mais c’est un point de vue que, depuis les années 1980, des études comme celles de Peter Brown ou de Ramsay Mac Mullen ont, chacune à leur façon, profondément remis en question. Ainsi, dans son ouvrage Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, et en éclairant au passage la notion de style si chère à Paul Veyne[3], le premier a montré que les évêques ont fait en sorte de devenir des partenaires du pouvoir impérial, du moins en Orient, en fonction des styles traditionnels de gouvernement en vigueur ; et le second a souligné, par exemple, que les statuts des esclaves avaient peu évolué avec l’arrivée des chrétiens au pouvoir[4]. En deuxième lieu, on peut représenter sous le terme de christianisation le mouvement irrésistible de progression du christianisme qui s’est produit au détriment du paganisme, autant dans les populations que dans les esprits. Mais on insiste maintenant sur le fait qu’un tel mouvement s’est avéré au fond lent et inégal. Sur ce point, on doit également faire référence aux travaux de Ramsay Mac Mullen et de Peter Brown, mais aussi de Robin Lane Fox ou, en France, de Pierre Chuvin[5]. De sorte que le terme dénote à présent davantage la complexité d’un phénomène et les différentes problématiques adoptées à son propos qu’un événement a priori et entièrement constitué. Il convient cependant de s’arrêter un instant sur ce que recouvre ce mode d’approche qui représente aujourd’hui une nouvelle forme de « consensus ».

Récemment, dans leur ouvrage intitulé à bon escient L’évolution du monde de l’Antiquité tardive, Peter Garnsey et Caroline Humfress, soulignent en effet qu’« <e>n fait, les historiens modernes doutent de plus en plus d’une victoire du christianisme […] <et qu’i>l est aujourd’hui de bon ton, à la suite de Peter Brown, de minimiser l’affrontement religieux et de souligner ce que le christianisme et le paganisme avaient en commun, en particulier dans les élites »[6]. S’emparer comme je le fais du terme de victoire semble donc a priori aller à l’encontre de cette analyse et du « bon ton » d’aujourd’hui, cette dernière expression témoignant à sa manière du fait qu’approche historique et/ou approche confessionnelle paraissent tout à fait pouvoir se rejoindre à présent dans une même rigueur d’analyse et/ou humilité à l’égard « des temps chrétiens », de leur commencement et de leur réalisation : l’affrontement des savants, croyants ou non-croyants, en matière religieuse est censé avoir disparu et être désormais hors de propos.

Pour comprendre, donc, comment se situe mon approche, revenons à Peter Brown, qui commence,dans L’autorité et le sacré, par une mise en garde : « Un historien moderne étudiant la progression du christianisme au sein du monde romain doit éviter de reproduire les simplifications faciles de ceux qui furent les contemporains de cet événement[7]. » Il souligne par là, s’appuyant sur l’exemple d’Eusèbe de Césarée, qu’historiographie et apologétique furent passablement confondues par ceux qui connurent la fin des persécutions et l’accès au pouvoirde Constantin, et que ces derniers interprétèrent ces événements comme le triomphe du christianisme et le début d’une ère nouvelle. Et Peter Brown de faire inversement ressortir la rupture qui fut introduite par Augustin avec cet accent de triomphe caractéristique du début du IVsiècle, selon une vue nouvelle qui allait fortement influencer, souligne encore l’auteur, la manière de regarder des chrétiens occidentaux après lui, où le passé païen est devenu ce temps du péché qui « traîne » toujours en quelque sorte dans le vécu chrétien, jamais complètement vaincu[8]. En comparant, comme il le fait, le cas d’Augustin avec celui d’Eusèbe, Peter Brown privilégie alors, insiste-t-il, un autre principe d’étude qui consiste pour l’historien moderne à partir des auteurs eux-mêmes pour « entrer dans ce qui constitua leur propre évaluation du succès »[9]. Ce faisant, le savant montre qu’Augustin, au moment où il donnait corps à sa réflexion théologique sur la distinction entre temps des hommes et temps de Dieu, était un homme pris lui aussi dans l’histoire, laquelle n’était plus alors celle d’un empire prospère[10].

S’il faut se méfier des simplifications faciles d’Eusèbe, donc, et que le travail d’historien exige de ne pas les reproduire, on comprend néanmoins, avec Peter Brown, qu’il y a tout lieu de les analyser et de tenter de les comprendre. Remarquons seulement que l’auteur a beau employer le pluriel pour parler, en l’espèce, des contemporains de l’empereur Constantin, qui constitue le repère phare du progrès de la christianisation, il fait uniquement référence à cet auteur, en rappelant à cet égard qu’« il existe avec Eusèbe un premier récit de la christianisation qui nous est familier », lequel est resté ensuite influent. Rien donc n’est dit sur Lactance, qui n’a pas eu, en effet, le même avenir qu’Eusèbe dans l’histoire de l’Église, c’est peu de l’affirmer.

1. Le thème de la victoire et la place propre de Lactance

Or ce décalage mérite quelque attention, que l’on retrouve à peu près constamment, et notamment dans l’ouvrage d’Hervé Inglebert, Les Romains chrétiens face à l’histoire de Rome, où Eusèbe occupe une place centrale – du fait que son Histoire ecclésiastique sera reprise par la tradition chrétienne à partir de Jérôme et Augustin –, alors que Lactance y occupe une place très relative, pour des raisons que l’auteur expose mais aussi selon une orientation implicite qui masque sans doute une partie de la perspective historique observable[11]. Il me semble en effet qu’il faut non seulement ne pas exclure Lactance du champ de l’analyse – puisqu’il tient un discours de victoire important lui aussi –, mais qu’il y a lieu de s’interroger sur les places respectives qu’occupent ces quatre personnes – empereur ou auteurs –, et leur manière d’appréhender la réalité historique, lorsqu’elles défendent cette idée de victoire.

Ainsi, on peut sommairement commencer par distinguer l’attitude de Constantin d’après ce qu’en dit François Heim, dans une étude à laquelle je vais revenir dans un instant, qui souligne que les victoires militaires de l’empereur étaient vécues par lui et son entourage comme autant d’interventions de Dieu avérées dans les faits ou, pour reprendre l’expression de l’auteur, comme autant d’ordalies[12]. C’est dans cette logique que Constantin vivait son expérience et c’est cela seul que je retiens, en laissant de côté la question en quelque sorte intra-chrétienne qui consiste à se demander, comme l’exprime François Heim en confrontant définition en intension et définition en extension, « si on peut appeler christianisme » le christianisme de Constantin[13].

Sur le plan des auteurs, d’autre part, et compte tenu de la rupture introduite par Augustin dont il a été question plus haut, je proposerai, là encore très sommairement car le sujet est excessivement vaste, la distinction suivante. Dans le cas d’Augustin, je dirai qu’il n’est plus question, parce qu’il ne peut plus être question, d’une manière ou d’une autre, de « victoire » du christianisme sur le paganisme, car l’identité même du paganisme comme religion se trouve abolie par le théologien du fait de son « historicisation » au sein de l’expérience chrétienne[14]. Dans le cas d’Eusèbe, par ailleurs, je dirai autrement que l’entreprise de Dieu est venue remplacerla réalité du paganisme, au point du même coup de l’abolir, dans la mesure où, pour l’auteur grec, l’empire n’est reconnu que comme espace de diffusion de l’Évangile, et le paganisme est en soi vide de sens[15].

Pour ce qui concerne Lactance, maintenant, je dirai, au contraire, que la religiosité du paganisme représente encore quelque chose de prégnant et réel dans la mesure même où l’auteur attaque celui-ci comme une sorte d’« erreur de parcours » de l’histoire, et comme une erreur qu’il convient de corriger grâce à la nouvelle trajectoire qu’offre à ses yeux l’histoire engagée à présent dans le christianisme. On se rappellera à cet égard que Lactance a été très justement qualifié par Jean-Claude Fredouille d’« historien des religions »[16]. Il a ainsi, en toute cohérence avec sa vision biblique de l’histoire humaine, inscrit le monothéisme aux premiers siècles des temps et montré, par une sorte de « montage » mythologique à tout le moins original, comment celui-ci avait été dévié ensuite en polythéisme, l’évhémérisme lui prêtant alors argument, avant que le christianisme marque, précisément, son retour.

Pour nous référer au texte lactancien, voyons à cet égard le début des Institutions divines, où l’apologiste, en se prévalant de son projet par opposition à tel ou tel qui souhaiterait illustrer totalement la vérité chrétienne, et ferait alors un ouvrage absolument sans fin, précise le programme qu’il compte suivre :

Sed nos idcirco breuiter omnia colligemus, quod ea quae adlaturi sumus tam clara sunt et lucida, ut magis mirum esse uideatur tam obscuram uideri hominibus ueritatem et his praecipue qui sapientes uulgo putantur, uel quod tantummodo instituendi nobis homines erunt, hoc est ab errore quo sunt implicati ad rectiorem uiam reuocandi. (Inst., 1, 1, 21[Lact.Inst.1,1,21])

Nous, au contraire, nous rassemblerons tout en un bref résumé, car ce que nous allons présenter est si clair et si lumineux, que l’on pourrait plutôt s’étonner que la vérité semble si obscure aux hommes et surtout à ceux que l’on prend couramment pour des sages ; et aussi parce que nous nous proposons seulement de donner aux hommes une initiation, c’est-à-dire de les ramener de l’erreur dans laquelle ils sont empêtrés vers une route plus droite.[17] (Inst., 1, 1, 21[Lact.Inst.1,1,21])

Ainsi, avec Lactance, on se situerait à ce que j’appelle « un premier niveau » de conversion, où l’auteur vise à fixer et cadrer en quelque sorte les données du monothéisme chrétien et de son eschatologie et non à approfondir les mystères de la foi et de la spiritualité chrétienne, pour lesquels il renvoie alors directement aux Écritures comme à la source même, ainsi qu’il le fait au paragraphe qui suit immédiatement le passage que nous venons de lire[18]. Or c’est dans la réalisation de ce « premier niveau » de conversion que se joue pour Lactance, nous semble-t-il, une certaine forme de victoire[19].

À ce point de l’analyse, rappelons que cette question de la victoire a donc fait l’objet de l’importante étude de François Heim annoncée plus haut et qu’il a reprise ensuite, dans un de ses articles, pour l’appliquer spécifiquement à Lactance et Constantin[20]. Dans ces pages, François Heim commence par rappeler, à la suite des travaux de Gagé notamment et surtout de ceux des savants allemands Staub, Vogt ou Altheim, qu’il « existait [...] une “théologie de la victoire” à Rome, c’est-à-dire une réflexion sur les rapports entre la victoire et les dieux »[21], et plus profondément encore, une réflexion sur le rapport entre la religion romaine et les causes de la grandeur de Rome[22].L’apport de François Heim s’affirme pour sa part quand il soutient, à propos de Constantin et après avoir relevé que « l’œuvre constantinienne (décrets, lettres, inscriptions, symboles et légendes monétaires) foisonne d’affirmations qui expriment la conviction que la victoire vient du Dieu chrétien », que « à regrouper les lignes de force de cette pensée, on découvre que <la pensée religieuse de l’empereur> s’organise d’une manière très ferme, et sans varier de 312 à 337, autour de la théologie de la victoire »[23]. À quoi il ajoute qu’« on peut constater que cette théologie fait irruption dans l’œuvre de Lactance, comme d’ailleurs dans celle d’Eusèbe, en même temps que Constantin fait irruption dans leur vie »[24].

Sur ce dernier point, je ferai tout d’abord remarquer que s’il est habituel de s’en référer au De mortibus persecutorum de Lactance comme à la Vita Constantini d’Eusèbe lorsqu’on parle de la victoire attachée pour ces deux auteurs à Constantin, en référence à la bataille du pont Milvius en 312, François Heim, qui n’y manque pas non plus ici, soulève au fond une autre question, ayant trait à la prégnance d’une forme plus globale de théologie païenne à époque tardive, disons-le, que Lactance pourrait nous donner sans doute la possibilité d’appréhender. Quoi qu’il en soit, s’il n’est sans doute pas contestable que le De mortibus persecutorum, publié en 314, soit un an après l’« Édit de Milan », l’ait été sous l’impulsion de l’empereur Constantin, – il s’agit d’un pamphlet, genre dont la violence même témoigne d’une parole chrétienne désormais totalement libérée par le fait des décisions impériales qu’elle rapporte d’ailleurs et auxquelles elle se réfère –, il ne me semble pas certain, en revanche, qu’on puisse dire que la théologie de la victoire fait irruption chez Lactance à ce moment-là, avec Constantin. En effet, l’œuvre des Institutions divines à laquelle nous nous intéressons et dont je précise qu’elle a été composée vraisemblablement entre 305 et 311, son achèvement précédant d’environ trois ans le De mortibus persecutorum, mérite sur ce sujet tout autant l’attention, comme on va le préciser[25]. Étant donné l’ampleur de son élaboration, il me semble donc plus juste de penser que les Institutions divines sont la première œuvre lactancienne à témoigner du fait qu’il y avait plus simplement, si j’ose dire, durant les quinze premières années du IVe siècle « de la victoire dans l’air », et cela en proportion inverse de la dernière vague de persécutions décidées en 303 par Dioclétien, dont la généralisation et la cruauté en Orient, en un contraste rapidement marqué avec l’Occident, ne pouvaient que mieux faire attendre, puis pressentir leur inefficacité à terme[26].

Ainsi donc, chez l’auteur grec Eusèbe, comme cela a déjà été rapidement souligné, l’empire romain se trouve vidé de son histoire propre dans la mesure où, ontologiquement, il appartient à l’économie de Dieu[27]. Illustrant ce fait, on peut dire alors qu’au moment où Constantin, devenu empereur et chrétien, prend en charge les destinées de l’Empire, cet empire s’avère comme une simple occasion de Dieu, où l’empereur exerce le pouvoir que Dieu lui donne. Tandis que chez Lactance, pour qui le christianisme se présente de manière singulière comme une ré-émergence du monothéisme présent dès les origines de l’histoire humaine, et dévoyée ensuite pendant tout le temps du polythéisme, il apparaît, au contraire, que l’histoire de Rome garde quelque chose de sa validité ontologique. Je dirai, en effet, que c’est dans le cours de l’histoire de Rome que, pour Lactance, le christianisme s’expérimente. Dans cette logique, il ressort qu’Eusèbe pense la figure de l’empereur chrétien en termes de théocratie là où Lactance l’intègre dans un processus de transformation théologico-politique, aux ressorts à tout le moins complexes, dont nous reparlerons plus loin.

2. Transfert : transformation et prolongement

Ce qui compte à présent, pour notre propos, c’est d’examiner cette idée de transformation que nous venons d’énoncer, dans la mesure où elle articule ensemble prolongement et changement, ce qui peut définir au premier abord la notion de transfert et où cette articulation d’autre part, paraît nettement affirmée dans la démarche de Lactance. Sur le premier plan, sans prétendre à l’exhaustivité mais sur la base de quelques points pertinents, il nous suffira d’avancer des éléments par lesquels il se trouve, précisément, que l’apologiste s’est distingué au premier chef. En effet, le fait d’un prolongement s’illustre de manière éminente d’abord dans le choix des auteurs « classiques » dont Lactance a fait usage pour argumenter sa pensée de chrétien, à savoir les poètes et les philosophes, au lieu des auteurs bibliques, parce que, selon lui, ce choix s’imposait comme gage évident d’auctoritas auprès de ses lecteurs païens. L’important ici étant que Lactance non seulement ait agi de la sorte, mais qu’il l’ait annoncé et s’en soit expliqué, en mettant ainsi en lumière la connivence recherchée avec la tradition littéraire et de pensée toujours en vigueur en son temps chez les non-chrétiens :

Sed omittamus sane testimonia prophetarum ne minus idonea probatio uideatur de his quibus omnino non creditur. Veniamus ad auctores, et eos ipsos ad ueri probationemtestes citemus, quibus contra nos uti solent, poetas dico ac philosophos. (Inst., 1, 5, 1-2 [Lact.Inst.1,5,1-2])

Mais laissons soigneusement de côté les témoignages des prophètes, de peur que notre démonstration ne paraisse peu probante si nous la fondons sur ces gens, à qui l’on n’accorde absolument aucun crédit. Tournons-nous vers les maîtres et citons comme témoins, pour faire la démonstration de la vérité, ceux-là même que l’on utilise habituellement contre nous, je veux dire les poètes et les philosophes.[28] (Inst., 1, 5, 1-2 [Lact.Inst.1,5,1-2])

Le recours aux auteurs païens pour servir un discours chrétien est une innovation et une originalité de Lactance dont le fonctionnement subtil, à travers tel ou tel exemple, a déjà été étudié[29] ; à cette occasion, il a été dit que ce n’était « plus tant l’auctoritas de “témoins” païens irrécusables qui <était> primordiale » aux yeux de Lactance, mais, sans doute, « l’utilisation des textes pour eux-mêmes »[30]. Or c’est sans voir, me semble-t-il, que cette utilisation même, et en deçà de l’attention qu’il conviendrait de porter aux termes de testimonia, testes, probatio figurant dans le passage cité ici, ne pouvait être que lourde de signification et de fort impact. Car elle revenait à déposséder les païens d’un patrimoine jusque-là assimilé à eux seuls et qui entrait encore, à ce moment de l’histoire, dans la représentation de leur propre légitimité politique et religieuse, en relation avec une culture. Ainsi, qu’un auteur chrétien ait mené l’entreprise de citer des auteurs païens, de reprendre leurs mots, leurs tournures, pour défendre sa propre doctrine religieuse, voilà qui ne pouvait passer inaperçu et comptait au plus haut point, me semble-t-il, comme moyen d’un retournement radical. Le résultat en était une forme d’appropriation à valeur légitimante, pourrait-on dire, dans une situation où, selon la norme politico-religieuse de Rome, le christianisme était encore, et allait le rester jusqu’en 313, religio illicita. Une part de l’authenticité du passé était ainsi respectée, prolongée, qui avait une valeur d’autorité capable de garantir la démarche de l’auteur. Et c’est pourquoi, pour pouvoir être entendu en tant que chrétien, Lactance se fondait lui-même dans cette tradition :

Superest de responsis sacrisque carminibus testimonia quae sunt multo certiora proferre. [...] M. Varro, quo nemo umquam doctior ne apud Graecos quidem uixit, in libris Rerum diuinarum quos ad C. Caesarem pontificem maximum scripsit, cum des quindecimuiris loqueretur, « Sibyllinos libros ait non fuisse unius Sibyllae, sed appellari uno nomine Sibyllinos, quod omnes feminae uates Sibyllae sint a ueteribus nuncupatae […] » 14 – Sed et nos confuse Sibyllam dicemus, sicubi testimoniis earum fuerit abutendum. (Inst., 1, 6, 6-7[Lact.Inst.1,6,6-7])

Il reste à produire les témoignages tirés des réponses des oracles et des poèmes inspirés, qui offrent beaucoup plus de garanties. [...] M. Varron, dont la science n’a jamais été surpassée par aucun de ceux qui ont vécu, même chez les Grecs, a dédié un traité des Choses divines à C. César, grand pontife : parlant des quindécemvirs, il dit que « les livres sibyllins ne sont pas l’œuvre d’une seule Sibylle, mais qu’ils portent tous le titre unique de Livres sibyllins, parce que toutes les femmes prophétesses étaient appelées Sibylles par les anciens [...] » 14 – Mais nous aussi, nous dirons Sibylle, sans faire de distinction, chaque fois que nous aurons à recourir à leur témoignage.[31] (Inst., 1, 6, 6-7[Lact.Inst.1,6,6-7])

Que dans cette entreprise, l’apologiste fasse preuve assez généralement de « tactique » rhétorique, – nous allons revenir dans un instant à ce point –, par le jeu des citations, le maniement de la rétorsion d’argument, l’exploitation de l’ambivalence du sens, notamment, on sait que, plus profondément, il y avait pour lui, au fondement de ces réinterprétations chrétiennes, la présence d’un diuinus spiritus à présent explicité du fait de la Révélation chrétienne[32]. On pourrait d’ailleurs regarder ce fait comme une position générale que d’autres chrétiens avaient eue avant lui[33]. Mais l’attitude de Lactance qui consiste à recourir aux auctores païens pour tenir un propos chrétien, qui lui est propre, et promise à mettre en relief les faits de rupture, on va le voir, illustre mieux que tout autre moyen l’idée de continuité qui manifestement lui importait.

En deuxième lieu, on peut dire que c’est sur le plan de la rhétorique, dont l’art distingue tout aussi éminemment Lactance, que l’apologiste Lactance joue explicitement le jeu du prolongement. Voyons en effet la manière dont il commence les Institutions divines, au livre 1, donc, où figure un propos général sur la valeur respective des orateurs et des philosophes :

Nec tam de rebus humanis bene meretur qui scientiam bene dicendi adfert quam pie atque innocenter docet uiuere. Idcirco apud Graecos maiore in gloria philosophi quam oratores fuerunt. Illi enim recte uiuendi doctores sunt existimati, quod est longe praestabilius [...]. (Inst., 1, 1, 9 et 10[Lact.Inst.1,1,9-10])

[…] d’ailleurs celui qui enseigne l’art de bien parler n’a pas autant de mérite eu égard aux affaires humaines que celui qui enseigne l’art de vivre dans l’innocence et le respect du devoir. C’est pourquoi, chez les Grecs, les philosophes ont connu une plus grande gloire que les orateurs. Ils furent considérés, en effet, comme des maîtres enseignant à vivre avec droiture, ce qui est beaucoup plus utile [...]. (Inst., 1, 1, 9 et 10[Lact.Inst.1,1,9-10])

Cette déclaration ne doit pas masquer le fait que l’auteur, rabaissant ici les orateurs face aux philosophes, fait plus souvent encore le reproche à ces derniers d’enseigner à vivre avec droiture sans donner eux-mêmes l’exemple de cette vie droite, à la différence du Christ magister et doctor[34]. Ce sont donc les orateurs aussi bien que les philosophes païens qui se trouvent en fait rabaissés par Lactance, ce passage permettant de faire valoir a silentio combien la gloire attachée à l’art oratoire, par contraste avec les Grecs, est caractéristique des Romains et représente alors un atout quand il avantage quelqu’un comme l’apologiste, qui met en forme et défend l’enseignement du Christ :

Multum tamen nobis exercitatio illa fictarum litium contulit, ut nunc maiore copia et facultate dicendi causam ueritatis peroremus. (Inst., 1, 1, 10[Lact.Inst.1,1,10])

Cependant, cette pratique des causes fictives nous a donné un grand entraînement, qui nous permet maintenant de plaider avec plus d’abondance et de facilité la cause de la vérité. (Inst., 1, 1, 10[Lact.Inst.1,1,10])

Ici, en effet, l’important ne me semble pas être seulement l’idée qu’introduit cet énoncé, on va le voir, selon laquelle la force propre de la vérité est suffisante mais peut avoir besoin de l’éclat du style pour pénétrer dans les esprits, mais d’abord le fait particulier que Lactance fasse référence à sa formation d’école et, ainsi, s’inscrive dans le droit fil d’une tradition. Que cette reconnaissance soit d’ailleurs l’occasion pour lui d’opposer le fictif de l’exercice scolaire à la vérité du christianisme qu’il va défendre est fondamental, bien sûr, mais il y a lieu de remarquer qu’elle lui permet aussi de se placer en une situation partagée avec son lecteur païen, reflet d’une tradition partagée, où la parole se présente comme une arme tout autant à sa disposition qu’à celle de l’adversaire, dans le procès (causa) qui lui est intenté en tant que chrétien.

Ainsi, par deux procédés fondamentaux dans lesquels on reconnaît généralement l’art de Lactance, s’illustre l’idée de continuité et de prolongement qui entre dans le principe de transformation identifiable dans la pensée de Lactance. Or si l’on considère à présent le changement, la rupture qui fait que cette transformation s’opère, l’on peut dire que c’est également la rhétorique lactancienne qui joue cet autre rôle et véhicule ce changement, puisque c’est par elle que l’apologiste compte, ou mieux, dit qu’il compte persuader ses lecteurs, autrement dit convaincre les lecteurs païens de la vérité chrétienne[35]. Un passage célèbre du début du livre 5 des Institutions divines est, sur ce point, on ne peut plus explicite, où Lactance évalue les chances de succès de son entreprise apologétique en mettant en avant la forme de son écrit par rapport à celle des écrits de ses prédécesseurs, Tertullien, Minucius Felix et Cyprien, jugés en somme « inefficaces ». À cet égard, il est de peu d’intérêt, me semble-t-il, de juger de la vanité ou non de Lactance à prétendre réussir là où les apologistes avant lui avaient échoué : c’est sa « propre évaluation du succès »[36] qui compte, et en l’occurrence sa conviction d’avoir acquis légitimité dans sa compétence d’homme Romain et chrétien, au moment où la question de la légalité du christianisme dans l’espace politico-religieux de Rome était posée.Le métadiscours de Lactance vaut donc que l’on s’y intéresse et il s’impose que l’on entende son ton de défi, qui va s’accentuant au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture des Institutions divines.

Ainsi, développant l’idée annoncée et évoquée à l’instant, l’apologiste met en avant, des les premières pages des Institutions divines, les moyens de l’éloquence qui sont les siens et l’art qu’il en retire :

Quae [veritas] licet possit sine eloquentia defendi, ut est a multis saepe defensa, tamen claritate ac nitore sermonis illustranda et quodammodo disserenda est, ut potentius in animos influat, et ui sua et instructa religione et luce orationis ornata. (Inst., 1, 1, 10[Lact.Inst.1,1,10])

Certes, celle-ci [la vérité] peut être défendue sans le secours de l’éloquence, comme elle l’a été souvent par beaucoup de gens ; cependant, elle a besoin d’être illustrée par la clarté et l’éclat de la parole, et d’être en quelque sorte exposée systématiquement, de façon à pénétrer dans les esprits avec plus de vigueur, tout à la fois grâce à sa propre force et consolidée par la religion et éclairée par l’éclat du style.[37] (Inst., 1, 1, 10[Lact.Inst.1,1,10])

Puis, s’étant employé durant quelques chapitres à démontrer que les dieux du paganisme ne sont pas des dieux, le livre 1 s’intitulant précisément De falsa religione, le ton de l’apologiste se fait ensuite plus offensif, la première personne verbale reprenant alors le fil du discours :

Poteram his quae rettuli esse contentus, sed supersunt adhuc multa suscepto operi necessaria. Nam quamuis ipso religionum capite destructo uniuersa sustulerim, libet tamen persequi cetera et redarguere plenius inueteratam persuasionem, ut tandem homines suorum pudeat ac paeniteat errorum. [...] Nostrum est officium, qui et uerum Deum adserimus et falsos refutamus. (Inst., 1, 16, 1-3[Lact.Inst.1,16,1-3])

J’aurais pu me contenter de ce que j’ai rapporté ; mais il reste encore beaucoup d’arguments nécessaires pour l’œuvre entreprise. De fait, même si en abattant la tête de toutes les religions, j’ai tout renversé, je veux cependant poursuivre mon argumentation jusqu’au bout et réfuter plus complètement cette vieille croyance, pour qu’à la fin les hommes aient honte de leurs erreurs et s’en repentent. […] Mais c’est là notre devoir, à nous qui soutenons la cause du vrai Dieu et combattons les faux dieux. (Inst., 1, 16, 1-3[Lact.Inst.1,16,1-3])

S’il est aisé de remarquer que l’image guerrière d’une décapitation est mise sans hésitation au service du propos, celle-ci paraît contenir d’autant plus d’audace qu’elle accompagne un vocabulaire argumentatif récurrent. Il n’est donc pas seulement question pour Lactance de mettre en œuvre « un beau discours », mais de soutenir une argumentation d’ensemble et de s’en faire valoir, ce que nous pouvions déjà relever à travers le terme deux fois employé de probatio que nous avons remarqué précédemment[38]. Sa rhétorique ne se présente donc pas comme la simple mise en valeur de tel ou tel argument, comme on a tendance à la réduire, elle sert une vaste démarche dialectique, une vaste démonstration, d’après son auteur, et l’on devine ici qu’un lien s’affirme entre rhétorique et dialectique destiné à faire comprendre le christianisme, pour reprendre le titre du livre 4 des Institutions divines, en tant que « vraie philosophie et religion »[39]. De sorte qu’il y a lieu de considérer cette sorte de « crescendo » rhétorique comme un mouvement accompagnant le mouvement d’une progression dialectique : ce sont deux versants du discours qu’il faut analyser de pair.

3. Armes de la rhétorique et de la dialectique

Aussi, Lactance va-t-il reprendre ostensiblement les armes au livre 5, comme il ressort des propos préliminaires à son développement, qui portera sur la question de la justice[40]. Or, plus distinctement qu’en aucun autre endroit de l’œuvre, Lactance évoque la situation de crise de son époque, où les chrétiens sont victimes des persécutions qui ont été décidées par édit impérial[41]. C’est un passage qui précède un autre passage célèbre de Lactance dans la mesure où ce dernier contient la première « micro » histoire littéraire portant sur les auteurs latins et chrétiens, avant celle de Jérôme, Lactance y énumérant les défauts de ses prédécesseurs, comme nous l’avons vu plus haut, pour mieux mettre en valeur la qualité de sa propre entreprise. Compte tenu de ces considérations, Lactance fait alors allusion à des écrits d’auteurs païens qui ont voulu s’attaquer au christianisme :

Ergo quia defuerunt apud nos idonei peritique doctores, qui uehementer, qui acriter errores publicos redarguerent, qui causa omnem ueritatis ornate copioseque defenderent, prouocauit quosdam haec ipsa penuria, ut auderent scribere contra ignotam sibi ueritatem. (Inst., 5, 2, 1[Lact.Inst.5,2,1])

Ainsi donc, puisqu’il n’y avait pas, dans nos rangs, de savants de talents et d’expérience, capables de réfuter avec vigueur et acuité les erreurs publiques et d’élaborer une défense complète de la vérité en un style orné et abondant, un certain nombre d’individus ont trouvé dans cette faiblesse même une incitation à oser écrire contre une vérité qu’ils ignoraient. (Inst., 5, 2, 1[Lact.Inst.5,2,1])

Et il reprend, deux paragraphes plus loin :

Hi ergo de quibus dixi cum praesente me ac dolente sacrilegas suas litteras explicassent, et illorum superba impietate stimulatus et ueritatis ipsius conscientia et, ut ego arbitror, deo suscepi hoc munus, ut omnibus ignenii mei uiribus accusatores iustitiae refutarem, non ut contra hos scriberem qui paucis uerbis obteri poterant, sed ut omnes qui ubique idem operis efficiunt aut effecerunt, uno semel impetu profligarem. (Inst., 5, 4, 1[Lact.Inst.5,4,1])

Les gens dont je viens de parler avaient donc fait, en ma présence, et j’en fus peiné, l’exposé de leurs œuvres sacrilèges : aussi, stimulé tout à la fois par leur orgueilleuse impiété, par une exigence intérieure de pure vérité, et – du moins je le crois – par Dieu, ai-je assumé la mission de réfuter les accusateurs de la justice, avec toutes les ressources de mon esprit, non pas pour écrire contre ceux-là, qui pouvaient être écrasés en quelques mots, mais pour terrasser en une seule fois, dans un seul assaut, tous ceux qui partout accomplissent ou ont accompli le même genre de tâche. (Inst., 5, 4, 1[Lact.Inst.5,4,1])

Le remarquable ici est que l’on retrouve des termes identiques à ceux vus au départ dans le livre 1, les uns imagés et porteurs de la même audace guerrière, les autres mettant en avant les mêmes exigences de forme et le même programme argumentatif. On y remarquera également l’emploi d’un doctores, qui laisse comprendre que Lactance entendait bien, à sa manière, jouer un rôle de doctor, lui-même ayant été instruit par le Christ qualifié de façon remarquable, nous l’avons vu, de magister et doctor[42].

Tout semble alors se passer comme si Lactance condensait, au moment où il a composé son apologie, dans le contexte historique qui était le sien, une conviction, celle de sa foi inscrite dans une doctrina, avec la conviction d’avoir les moyens de la faire entendre : par la forme de l’oratio d’une part, et une démonstration, une probatio d’autre part. On sait à cet égard que c’est dans « le latin de Cicéron », comme l’on dit et comme il l’a fait valoir lui-même, que Lactance a écrit, indiquant qu’il usait là du seul vecteur capable de « faire passer » ou pour mieux dire, de transférer sa pensée de chrétien.

4. Transfert : transformation et changement

Mais il nous faut donc aller plus loin, considérant que sa dialectique elle-même, prise dans ce même mouvement, était l’arme par laquelle il était convaincu de pouvoir toucher au cœur ses lecteurs païens. Il est hautement significatif, en effet, que ce même Cicéron se présente peu à peu dans l’ouvrage comme l’interlocuteur certes fictif mais direct de Lactance, incarnant en quelque sorte le « noyau dur », le référent absolu de la pensée païenne. C’est en tout cas chose évidente à partir de ce livre 5, qui porte sur la justice, où Lactance traite d’une question servie par une longue tradition philosophique, des Grecs aux Romains, et notamment par ce Cicéron à qui il fait spécifiquement référence. En s’emparant de cette problématique, qui regardait de manière éminente les chrétiens confrontés aux rigueurs de la loi romaine, l’apologiste, manifestement, avait la conviction que l’idée romaine de la justice pouvait être fondamentalement remise en question[43].

La pensée chrétienne de Lactance en la matière se révèle alors tout à fait originale et étonnante dans la mesure où, partant de prémisses païens où les notions de iustitia et pietas se trouvaient indissolublement liées, celui-ci subvertit et renouvelle totalement le système de représentation dans lequel ces deux notions trouvaient auparavant leur cohérence. Pour le dire de manière trop succincte mais parce que tel n’est pas notre propos ici, Rome, symbole ici d’un peuple et d’une autorité politique, pensait en effet assurer la justice sur tout le monde habité dans la mesure où sa pratique religieuse, pérennisée depuis son origine à travers le mos maiorum et garantie par sa pietas prouvait qu’elle avait une juste perception de ces res diuinae auxquelles sont ordonnées les res humanae, laquelle lui permettait à son tour de participer à l’ordonnancement du monde. Or face à cela, il apparaît que Lactance a opposé la représentation d’une origine commune à l’ensemble de l’espèce humaine, née depuis le premier couple créé par Dieu, le Père unique d’une seule généalogie humaine, au sein de laquelle il a conçu la justice universelle non plus selon le droit naturel de la raison, raison commune aux dieux et à l’homme et dont les lois de Rome avaient été la traduction éminente selon Cicéron, mais selon le droit naturel de la parenté[44].

Ainsi, quelque chose de très complexe était organisé autour de iustitia et pietas et se trouvait au cœur d’un système fondamental de représentation, par lequel Lactance a pu toucher à l’idéologie politico-religieuse de Rome en tant qu’espace d’universalité. Dans son système de pensée, pietas et iustitia se sont trouvés au centre d’une représentation juridique de la doctrine chrétienne qui pouvait fonder celle d’un christianisme désormais apte à s’instituer à Rome comme cadre d’universalité en lieu et place de l’institution religieuse païenne. Tel est le programme qu’une œuvre intitulée diuinae institutiones, précisément, permet de découvrir. Or l’on voit que dans ce jeu dialectique, où nous avons décelé une étape de maintien puis de subversion, de prolongement puis de rupture, c’est bien le processus que nous avons décrit dans la définition de la notion de transfert que nous voyons mis en œuvre.

Confrontant sa pensée avec la pensée de Cicéron placée à la fois en référence et, si l’on ose dire, en ligne de mire, Lactance déploie ainsi son propos dans une double dimension rhétorique et philosophique, comme cela est d’ailleurs implicitement suggéré au début du livre 3, qui traite « de la fausse philosophie des païens », où l’apologiste, rangeant Marcus Tullius parmi les philosophes, en fait également un cas à part dans la mesure où, souligne-t-il, l’éloquence était chez cet auteur praecipua et admirabilis[45]. Comme on le comprend, donc, la pratique de l’éloquence que Lactance revendique ne se présente pas pour lui comme une arme de combat de manière seulement métaphorique. Posé par Lactance comme le référent de pensée auquel l’idéologie politique et religieuse de Rome pouvait se rattacher, Cicéron représentait l’autorité à laquelle il pouvait puiser lui-même pour garantir sa propre autorité d’apologiste, définie désormais selon les qualités d’orateur et philosophe chrétien. En affirmant, comme on l’a vu, qu’il comptait bien persuader son lecteur en situation de conflit avec le christianisme, Lactance exprimait de fait très explicitement le lien qui existe entre énoncé et situation de discours, lequel donne au propos de Lactance une dimension pragmatique à résonance fondamentalement historique. Ainsi, l’apologiste assurait la continuité par la reprise des auteurs païens et par son usage de l’art oratoire, mais il marquait aussi la rupture : son œuvre est une œuvre de combat[46]. Aussi, rapporté aux conditions de l’histoire, convaincre était-ce vaincre, et ici point l’idée de victoire à laquelle nous nous sommes attachés au départ.

De fait, on a vu que Lactance, par sa dialectique, prolonge quelque chose qu’il modifie à la fois, qu’il transforme : ce qui était lié à la philosophie juridico-religieuse articulée autour de pietas et fondait l’idéologie de Rome comme capitale du monde ouvrait sur la représentation nouvelle d’une iustitia chrétienne dans l’empire. Ce faisant, Lactance illustre cette idée fondamentale d’Aristote selon laquelle, pour reprendre les termes de Laurent Pernot, « pour persuader, il faut exploiter des ressorts déjà présents chez l’auditeur »[47]. Et il vivait en termes de victoire, en relation directe avec les conditions de son temps, le fait d’opérer ce que nous appelons ici un « transfert ». C’est pourquoi le discours de Lactance ne regarde pas seulement l’histoire des idées mais l’histoire elle-même, sa rhétorique accompagnant en l’occurrence un mouvement de l’histoire incarné par ailleurs, au niveau du pouvoir politique, par la prochaine victoire des armes. Sa rhétorique de victoire allait, en effet, pouvoir entrer en résonance avec la victoire d’un empereur qui, selon la représentation religieuse du monde d’alors, où la divinité se manifestait dans les péripéties terrestres, pouvait s’identifier à une victoire religieuse, – de Dieu sur les dieux. Représentation avec laquelle, on l’a rappelé, Augustin fera en sorte de rompre. Représentation romaine à d’autres égards, bien différente de celle d’Eusèbe, dans la mesure où le fait de l’histoire chrétienne était interprété par Lactance en relation avec un réaménagement de l’idéologie politico-religieuse de Rome[48].

 

 

Partis du problème posé par cette idée de victoire du christianisme qui fut rattachée dès son époque au règne de Constantin, nous avons abouti à la prise en considération de la « rhétorique de victoire » de l’apologiste chrétien Lactance, qui connut de près cet empereur. Cette victoire était alors « dans l’air », avons-nous dit, considérant par là qu’il restait à explorer, analyser, décrire comment cette idée avait pu se forger, non pas née et « faisant irruption » déjà tout armée de l’« événement », celui incarné par la geste constantinienne, mais en relation avec l’événement, stimulée par l’événement, voire cristallisée par lui sans doute, comme en témoigne, à la suite des Diuinae Institutiones, le pamphlet du De mortibus persecutorum. Avec le témoignage de Lactance cette idée apparaît donc sous la configuration singulière d’un auteur particulier, celle d’un apologiste qui n’a néanmoins pas reçu reconnaissance de l’autorité de l’Église, et donc, sans vouloir jouer sur les mots, n’a pas reçu l’autorité de la reconnaissance de l’Église[49].

Quelle victoire du christianisme Lactance s’est-il alors représenté ? Rien de moins, comme il l’annonce d’emblée, que celle de la vérité sur l’erreur. Pour cela, il s’est employé à mener une démonstration sur la question fondamentale de la justice, avec l’avantage d’opposer au probabilisme d’un Cicéron une dialectique fondée sur un système de vérité. Là se jouait à ses yeux un combat décisif qui devait permettre au christianisme pourvu, par ailleurs, de la visée propre de son eschatologie, de se trouver légitimé dans l’espace romain. Il opérait ainsi, par les moyens d’une rhétorique, autrement dit un discours ancré dans l’histoire et jouant sur des valeurs et des moyens de reconnaissance intellectuellement et idéologiquement partagés, un processus de transfert. Il semble ainsi que l’idée de victoire si prégnante au début du IVe siècle à Rome puisse être une autre expression de cette notion de transfert que nous analysons. Elle nous apprend d’autre part qu’un transfert a besoin pour opérer de ce vecteur propre que j’appellerai un « transfert d’autorité » : c’est de Cicéron qu’il s’agit en notre domaine. Enfin, qu’il est un processus dynamique dans la mesure où il bénéficie d’une force initiale réelle : le combat dont Lactance rend compte se jouait sur les forces vives du paganisme en tant que religion de Rome participant intrinsèquement à son idéologie politique d’universalité.

Peut-on dire, pour finir, que le transfert idéologico-religieux dont nous avons fait l’analyse représente une victoire de Lactance ? L’avancer ne me paraît pas inconvenant, en effet, dans la mesure où, par son œuvre intellectuelle, et au moment où la question de la légalisation du christianisme était éminemment posée, on voit qu’il s’est employé à fonder la légitimité, pour un chrétien, à se montrer un penseur à Rome, ou davantage encore, un nouveau penseur de Rome, celle engagée dans la réalité de l’histoire chrétienne. Une victoire de la pensée religieuse en quelque sorte qui devait se renforcer d’une victoire politique à dimension religieuse. Car il est un fait que la rhétorique de l’apologiste reflète une situation de parole et dévoile une épistémologie liées toutes deux à l’histoire : parallèlement à l’entreprise politique de Constantin, l’entreprise théologique de Lactance représente bien ce moment inédit où l’on a réussi à penser ensemble empire romain et christianisme, ce qu’il a fait selon une combinatoire propre qui ne peut être comparée à celle d’Eusèbe, on l’a souligné. Sa victoire serait donc à reconnaître dans la mesure précise où il a fait tenir debout, en quelque sorte, cette représentation nouvelle où le Royaume s’expérimentait dans l’histoire et dans l’espace de Rome : c’est comme auteur d’un nouveau paradigme conceptuel que Lactance peut représenter pour nous un autre repère dans l’histoire. Compte tenu de son ambition et des moyens qu’il s’est explicitement donnés pour l’assumer, on est en droit alors de s’interroger sur le fait que Lactance, fort de sa foi en une vérité qu’il se sentait capable de dire et de démontrer en dépassant tous les auctores du temps polythéiste, jusques et y compris le philosophe et orateur Cicéron, a pu ou non s’imposer comme un auctor chrétien de référence, et romain tout à la fois. Référence dépassée, en toute hypothèse, dans les siècles chrétiens, avec Ambroise, Jérôme et surtout Augustin, et donc perdue ensuite, mais auteur que Pic de la Mirandole, quoique ce fût par allusion à son style, appellera, précisément, le « Cicéron chrétien ».



[1] B. Colot, « Pietas » dans la transformation religieuse du IVe siècle. L’apport de Lactance, le « Cicéron chrétien », Université Paris IV-Sorbonne, thèse dactilographiée, 1996. « Victoire » ou encore « triomphe », ces expressions, en effet, sont toujours courantes pour évoquer la situation nouvelle du christianisme après la décision de Milan, publiée en 313 à Nicomédie, qui reconnaissait officiellement aux chrétiens le droit de pratiquer leur religion.

[2] Voir P. Brown, « The problem of christianisation », Proceedings of the British Academy, 82, 1992-1993, p. 89-106 ; l’expression est encore reprise dans id., L’autorité et le sacré. Aspects de la christianisation dans le monde romain, trad. T. Noisel, Paris, Noêsis, 1998 (Authority and the Sacred : Aspects of the Christianisation of the Roman World, Cambridge, Cambridge University Press, 1995), p. 22.

[3] Préface à P. Brown, Genèse de l’Antiquité tardive, trad. A. Rousselle, Paris, Gallimard, 1983 (The Making of Late Antiquity, Cambridge [MA]-Londres, Harvard University Press, 1978), p. XXII.

[4]P.  Brown, Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive : vers un empire chrétien, trad. P. Chuvin, Paris, Seuil, 1998 (Power and Persuasion in Late Anttiquity : Towards a Christian Empire, Madison, Madison [WIS], The University of Wisconsin Press, 1992) ; R. Mac Mullen, « What difference did christianity make ? », Historia, 35, 1986, p. 322-342.

[5] R. Mac Mullen, Christianizing the roman Empire (A.D. 100-400), New Haven-Londres, Yale University Press, 1984 ; P.  Brown, L’autorité…, op. cit. ; R. Lane Fox, Païens et chrétiens. dans l’Empire romain de la mort de Commode au concile de Nicée, trad. R. Alimi, M. Montabrut et E. Pailler, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1997 (Pagans and Christians, New York, A. A. Knopf, 1986) ; P. Chuvin, Chronique des derniers païens : la disparition du paganisme dans l’Empire romain du règne de Constantin à celui de Justinien, Paris, Les Belles Lettres/Fayard, 1991.

[6] P. Garnsey et C. Humfress, L’évolution du monde de l’Antiquité tardive, trad. F. Regnot, Paris, La Découverte, 2004 (The Evolution of the Late Antique World, Cambridge, Orchard Academic, 2001), p152.

[7] P. Brown, L’autorité…, op. cit., p. 11-12.

[8] Ibid., p. 11-12, 59 et 65.

[9] Ibid., p. 46.

[10] Voir J. Fontaine, « Augustin penseur chrétien du temps », BAGB, 1988, 1, p.  53-71.

[11] Voir H. Inglebert, Les Romains chrétiens face à l’histoire de Rome. Histoire, christianisme et romanités en Occident dans l’Antiquité tardive (IIIe et Ve siècles), Paris, Institut des Études augustiniennes, 1996 ; B. Colot, « Historiographie chrétienne et romanesque : le De mortibus persecutorum de Lactance (250-325) », Vigiliae Christianae, 2005, 59, p. 35-51.

[12] Voir F. Heim, La théologie de la victoire de Constantin à Théodose, Paris, Beauchesne, 1992, p. 325.

[13] Ibid, p. 50.

[14] Voir ci-dessus ; je reprends le terme d’« historicisation » à P. Brown, L’autorité…, op. cit., p. 63.

[15] Voir P. Brown, L’autorité…, op. cit., p. 64 ; H. Inglebert, Les Romains…, op. cit., p. 165 et 173.

[16] J.-C. Fredouille, « Lactance historien des religions », J. Fontaine et M. Perrin (éd.), Lactance et son temps. Recherches actuelles. Actes du IVe colloque d’études historiques et patristiques Chantilly, Paris, Beauchesne, 1978, p. 237-249.

[17] Nous utilisons les traductions de P. Monat, parfois légèrement modifiées comme cela est signalé, parues aux Sources chrétiennes.

[18] Voir Inst.,[Lact.Inst.1,1,22]1 1, 22 :« Quod si, ut spero, adsecuti, mittemus eos ad ipsum doctrinae uberrimum ac plenissimum fontem […] » ; « Et si, comme je l’espère, nous parvenons à ce résultat, nous les enverrons à la source même si abondante et si riche de notre doctrine […] ».

[19] Quoique son titre semble le suggérer, il n’est pas proprement question de conversion dans l’article de J. Amat, « Des Institutions aux Confessions. De Lactance à Augustin : deuxméthodesdeconversion »,P. Defosse(éd.),HommagesàCarlDeroux, t. V, Bruxelles, Latomus, vol. 279, 2003, p. 3-9.

[20] F. Heim, La théologie de la victoire de Constantin à Théodose, Paris, Beauchesne, 1992 ; id., « L’influence exercée par Constantin sur Lactance : sa théologie de la victoire », Lactance et son temps, op. cit., p. 55-70.

[21] F. Heim, « L’influence… », art. cit., p. 56.

[22] Id., La théologie…, op. cit, p. 30.

[23] Id., « L’influence… », art. cit., p. 57.

[24] Ibid.

[25] Sur la datation des Diuinae Institutiones et du De mortibus persecutorum, voir R. Herzog et P. L. Schmidt (éd.), Nouvelle histoire de la littérature latine, vol. 5, Turnhout, Brepols, 1993, p. 443-444 et 451.

[26] Ainsi, l’Auguste Constance Chlore, père de Constantin, fit cesser les persécutions en Gaule dès 306. Voir par ailleurs la discussion suscitée par la position de F. Heim et publiée dans les actes du colloque : Lactance et son temps…, op. cit., p. 71-74.

[27] Voir ci-dessus note 15.

[28] Mais voir l’autre attitude de Lactance, qui recourt aux citations des prophètes lorsque, au livre 4 des Institutions, il aborde le domaine de la christologie. Voir [Lact.Inst.4,5,3]Inst., 4, 5, 3, et sur cette question, B. Colot, « Les prophètes et le Christ messager(s) dans les Institutions divines de Lactance (250-325) : faire lire et entendre la Révélation aux païens », G. Jacquin (éd.), Récits d’ambassade et figures du messager, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, (à paraître).

[29] Voir notamment C. Ingremeau, « L’histoire sainte racontée aux païens par les païens », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1989, 4, p. 345-354.

[30] Ibid., p. 343. À mon sens, ces deux objectifs – exploitation de l’auctoritas des auteurs et utilisation des textes pour eux-mêmes, avec l’interprétation symbolique qui en est faite –, loin de se neutraliser, se renforçaient l’un l’autre, et l’audace de la démarche pouvait jouer ainsi de tout son impact.

[31] Sur la place donnée par Lactance aux Oracles sibyllins parmi les diuina testimonia, voir P. Monat, Lactance et la Bible. Une propédeutique latine à la lecture de la Bible dans l’Occident constantinien, 2 vol., Paris, Études augustiniennes, 1982, vol. 1, p. 52-54 ; M.-L. Guillaumin, « L’exploitation des Oracles Sibyllins par Lactance et par le Discours à l’assemblée des saints », Lactance et son temps…, op. cit., p. 185-200.

[32] Voir par exemple[Lact.Inst.5,9,6] Inst., 5, 9, 6 : « [] ut ait poeta quasi diuino spiritu instinctus[] ».

[33] Voir la position de l’apologétique chrétienne, s’inspirant elle-même de l’apologétique judéo-hellénistique, selon laquelle Moïse était antérieur à Homère et Platon et donc à la source de nombreux éléments de la pensée des païens.

[34] Voir Inst., 4, 23[Lact.Inst.4,23].

[35] Voir Inst., 5, 1, 8-9[Lact.Inst.5,1,8-91] où l’auteur dit vouloir également, à défaut d’être assuré de réussir dans cette première tâche, de venir en aide aux chrétiens encore hésitants dans leur foi.

[36] Voir ci-dessus note 9.

[37] Trad. P. Monat légèrement modifiée.

[38] Voir ci-dessus.

[39] La démonstration se trouve en fait différée au livre 5, comme j’ai tenté de le montrer dans « Les prophètes… », art. cit., le livre 4, christologique, ne pouvant offrir dans cette perspective qu’une amorce.

[40] La reprise du thème se fait en Inst., 5, 5, 1[Lact.Inst.5,5,1].

[41] Voir Inst., 5, 2, 10 et 12[Lact.Inst.V,2,10et12]. Voir C. Rambaux, « Les persécutions dans l’Empire romain », ALMArv, 14, 1987, p. 7-26. D’aucuns, comme P. Monat (Introduction au livre 5 des Institutions divines, SC n°204, p. 12-13) pensent que le livre 5, compte tenu de ses particularités, a été composé après les autres ; mais M. Perrin (Introduction au De opificio dei, SC n°213, p. 15 et annexe en fin de volume) propose une datation et adopte un point de vue plus probants, au vu notamment de nos analyses : voir, par exemple, notre remarque note 45.

[42] Voir ci-dessus note 34 ; voir aussi Inst., 1, 1, 5-7[Lact.Inst.1,1,5-7], où l’apologiste évoque la volonté de Dieu de faire connaître « personnellement » la vérité aux chrétiens ; voir a contrario Inst., 6, 21, 4 sq.[Lact.Inst.6,21,4sqq] où il est question des « litterati » formés à la « suauitas » de l’« oratio » et qui, instruits « imperito doctore », de ce fait, « minus credunt ».

[43] Voir E. Heck, « Iustitia ciuilis Iustitia naturalis à propos du jugement de Lactance concernant les discours sur la justice dans le De Republica de Cicéron », Lactance et son temps…, op. cit., p. 171-182.

[44] Voir B. Colot, « Pietas » dans la transformation religieuse du IVe siècle. L’apport de Lactance, le « Cicéron chrétien », thèse, Paris, Université Paris IV-Sorbonne, 1996, chapitres III, p. 112-138, et V.

[45] Inst., 3, 1, 1.

[46] Voir B. Colot et alii, « Pour une réception de l’écriture polémique à Rome », EYPHROSYNE, 26, 1998, p. 303-329  L’apologie de Lactance et l’écriture polémique chrétienne », p. 322-328) ; B. Colot et B. Bureau, « Le thème de la philosophie païenne dans la polémique chrétienne de Lactance à Augustin », G. Declercq, M. Murat, J. Dangel (éd.), La parole polémique, Paris, Droz, 2003, p. 57-102, (« Lactance ou le combat de la “conversion” de Rome », p. 58-72).

[47] L. Pernot, La rhétorique dans l’Antiquité, Paris, Le livre de Poche, 2000,p. 65.

[48] Voir ci-dessus.

[49] Voir par exemple le jugement de Jérôme, Ep 58, 10, 2[Hier.Ep.58,10,2] qui voyait en Lactance un bon polémiste contre les païens mais n’ayant pas su défendre de la même façon les idées chrétiennes.

 


 

Citer cet article : Blandine Colot, « La “victoire” du christianisme. Un transfert politico-religieux d’après la pensée de Lactance », Interférences Ars Scribendi, numéro 4, mis en ligne le 14 novembre 2006,
http://ars-scribendi.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=46&var_affichage=vf

 

 

 

 


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