Salluste ou la naissance de l’histoire à Rome

   

Paul-Marius Martin

 

1. Pas d’Histoire avant Cicéron ?

Le propos est censé être tenu par l’orateur Antoine dans l’automne 91, à la veille du déclenchement de la guerre sociale : l’état de l’historiographie romaine, dit-il en substance, est comparable à celle de la Grèce à l’époque des chronographes et autres Attidographes. À cette époque,

Erat enim historia nihil aliud nisi annalium confectio. (Cic. De Or. 2, 52[Cic.DeOr.2,52])

L’histoire n’était alors que la rédaction des annales.(Cic. De Or. 2, 52[Cic.DeOr.2,52])

Autrement dit, il n’existait pas d’Histoire sinon l’enregistrement, année après année, des événements. Ce que font les annalistes latins, à la seule exception – et encore ! – de Caelius Antipater. Les autres (seuls Caton, Fabius Pictor et Calpurnius Piso sont cités), on ne peut guère les créditer d’autres qualités que la breuitas (Cic. De Or. 2, 51-54[Cic.DeOr.2,51-54]), avec, quand même, le fait de :

non esse mendacem. (Cic. De Or. 2, 51[Cic.DeOr.2,51])

ne pas être menteur. (Cic. De Or. 2, 51[Cic.DeOr.2,51])

Pour le reste,

non exornatores rerum, sed tantummodo narratores fuerunt.(Cic. De Or. 2, 54[Cic.DeOr.2,54])

ils ne songent pas à orner les faits ; ils se contentent de les raconter. (Cic. De Or. 2, 54[Cic.DeOr.2,54])

C’est que l’écriture de l’Histoire est pour Cicéron :

tantum munus oratoris. (Cic. De Or. 2, 62[Cic.DeOr.2,62])

une belle tâche pour l’orateur. (Cic. De Or. 2, 62[Cic.DeOr.2,62])

C’est d’ailleurs par cette question qu’Antoine avait ouvert le débat :

Qualis oratoris et quanti hominis in dicendo putas esse historiam scribere ?(Cic. De Or. 2, 51[Cic.DeOr.2,51])

Ne crois-tu pas que, pour écrire l’histoire, il faut être orateur, et d’un mérite singulier ? (Cic. De Or. 2, 51[Cic.DeOr.2,51])

Le problème est qu’un Romain qui voudrait s’y essayer ne trouverait rien pour l’aider, dit Cicéron, dans les traités de rhétorique existants (Cic. De Or. 2, 64[Cic.DeOr.2,64]) ; la raison alléguée est que l’art oratoire, à Rome, s’est concentré sur les domaines politique et judiciaire, au lieu qu’en Grèce, les orateurs exclus de la vie politique ou étrangers à celle-ci se sont adonnés à l’Histoire (Cic. De Or. 2, 55[Cic.DeOr.2,55]). Cela dit, force est de reconnaître que ce ne sont pas les quelques conseils stylistiques donnés par Cicéron viaAntoine – avoir un style

fusum atque tractum et cum lenitate quadam aequabiliter profluens (Cic. De Or. 2, 64[Cic.DeOr.2,64])

coulant et large, s’épanchant avec une certaine douceur, d’un cours régulier(Cic. De Or. 2, 64[Cic.DeOr.2,64])

– qui pourraient aider beaucoup l’apprenti-historien[1].

Non plus que ce qu’il dit du contenu de l’Histoire : respect de la chronologie, attention à la géographie, à la manière dont s’enchaînent les faits, à la personnalité des acteurs de l’Histoire. Tout cela est fort banal. Quant à l’exigence de vérité, certes ce point est important, puisqu’Antoine y reviendra :

Nam quis nescit primam esse historiae legem, ne quid falsi dicere audeat ? deinde ne quid ueri non audeat ? ne quae suspicio gratiae sit in scribendo ? ne quae simultatis ? (Cic. De Or. 2, 62[Cic.DeOr.2,62])

Qui ne sait que la première loi du genre est de ne rien dire de faux ? la seconde, d’oser dire tout ce qui est vrai ? d’éviter, en écrivant, jusqu’au moindre soupçon de faveur ? jusqu’au moindre soupçon de haine ? (Cic. De Or. 2, 62[Cic.DeOr.2,62])

En somme, la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, sans complaisance et sans a priori négatif. Mais comment atteindre cet objectif ? Mystère. Une exigence est posée, mais aucune méthodologie n’est proposée.

2. Le rendez-vous manqué de Cicéron avec le genre historique

En fait, on voit bien le satisfecit que s’adressent à eux-mêmes les personnages du dialogue cicéronien : si nous, Romains, nous n’étions pas aussi assidus et brillants au forum et au barreau, sans doute aurions-nous eu le loisir de développer le genre historique. En somme, il s’agirait moins d’un retard culturel que d’un choix de civilisation. Mais, en même temps, tout le propos cicéronien tend à accréditer la thèse d’un véritable décalage culturel, puisqu’il souligne le fait que les Grecs aussi sont passés par la phase annalistique où se trouvent encore les Romains. C’est d’autre part un peu vite oublier que les Grecs aussi avaient eu leurs ténors de l’agora, avec Lysias, Eschine, Démosthène, etc., sans que cela les empêche d’avoir et d’avoir eu, dans le même temps, de grands historiens. Et ce n’est guère à l’honneur des Romains que de ne pas savoir faire deux choses à la fois : bien parler et écrire l’Histoire – ce que firent les levitra Grecs sans avoir pour cela besoin de « manuels à l’usage de l’apprenti-historien ». Salluste saura d’ailleurs discerner la faiblesse du raisonnement cicéronien : il préfèrera opposer, comme serviteurs de l’État, ceux qui font l’Histoire et ceux qui écrivent l’Histoire[2].

En réalité, le dialogue, censé avoir eu lieu à l’époque de la « République heureuse », porte la marque de l’époque où il a été rédigé. En 55, les trois hommes qui ont fait « main basse sur la Ville » sont plus que jamais puissants : leur entente vient d’être renforcée l’année précédente à Lucques. Il n’y a plus de vie politique et, partant, plus d’éloquence publique : il est donc temps pour l’orateur de se rabattre sur l’écriture de l’Histoire – seule manière d’être encore utile à ses concitoyens. Tacite, prenant acte du fait que Rome vit en monarchie, ne dira pas autre chose[3] et, avant lui, au plus fort de la seconde proscription, Salluste[4].

À la fin des années 50, la situation est pire : le « monstre à trois têtes » n’en a plus que deux, dont Cicéron prédit bientôt l’affrontement inévitable ; en attendant il est plus puissant que jamais[5]. C’est dans cette atmosphère morose que Cicéron rédige le De Republica[DeRep.]– manifeste, entre autres, en faveur d’une aristocratie du mérite, accordée à ceux dont le talent oratoire et la sagesse politique seraient au service d’idéaux républicains élevés. Le De legibus[DeLeg.]constitue le prolongement de ce traité. Quelle que soit l’époque de sa rédaction, en une ou plusieurs fois – il fut en tout cas commencé à partir de 52 au plus tôt et ne fut pas publié du vivant de l’auteur[6] – il est bien évident que les circonstances de sa rédaction furent encore pires que celles des traités précédents : guerre civile et regnum césarien. On ne s’étonnera donc pas de trouver, dans ce traité pourtant consacré à la philosophie du droit, une nouvelle réflexion sur le genre historique… puisqu’il n’y a rien d’autre à faire, en attendant mieux, que d’écrire l’Histoire.

C’est en tout cas ce à quoi Atticus engage Cicéron, dès le début de l’ouvrage, saisissant, comme il dit, l’occasion : une discussion, à propos du chêne de Marius, sur la différence d’attitude du poète et de l’historien à l’égard de la vérité[7]. Cette exigence de vérité tient décidément à cœur à Cicéron : c’est sans doute elle, en partie au moins, qui explique qu’à côté des deux exemples – critiqués mais salués – de scriptores, de genre politique opposé, Licinius Macer et Cornelius Sisenna[8], il ne soit pas fait mention de Valerius Antias : son goût pour les légendes et pour les anecdotes, même fictives, ses exagérations manifestes le discréditaient totalement aux yeux de Cicéron[9]. C’est ce qui ressort du ton très ironique avec lequel il parle de

[…] et cum Egeria conlucutum Numam et ab aquila Tarquinio apicem impositum putent. (Cic. Leg. 1, 4[Cic.Leg.1,4])

[…] ceux qui croient que Numa s’est entretenu avec Égérie et que Tarquin a reçu d’un aigle la coiffe des flamines. (Cic. Leg. 1, 4[Cic.Leg.1,4])

Valerius Antias n’est pas le seul absent de marque de la revue cicéronienne. On y cherche aussi en vain un éloge de Sempronius Asellio, qui pourtant fut le premier à dénoncer les limites de l’annalistique traditionnelle et à définir les finalités de l’Histoire : d’une part, non seulement raconter les faits, mais montrer comment ils se sont déroulés ; d’autre part, tirer les leçons de ces faits pour les citoyens ; sinon, conclut-il,

id est fabulas pueris narrare, non historias scribere. (Sempr. Asel. F 1-2 Peter [Sempr.Asel.F1-2P][= Gell. 5, 18, 7[Gell.5,18,7]])

c’est raconter des fables aux enfants et non pas écrire l’Histoire. (Sempr. Asel. F 1-2 Peter[Sempr.Asel.F1-2P][= Gell. 5, 18, 7[Gell.5,18,7]])

Or non seulement son nom n’est pas retenu par Cicéron, mais il est catalogué, avec Gellius et Clodius, parmi ceux qui se rattachent :

[…] potius ad antiquorum languorem et inscitiam. (Cic. Leg. 1, 6[Cic.DeLeg.1,6])

[…] plutôt au laisser-aller et à l’inexpérience des auteurs précédents. (Cic. Leg. 1, 6[Cic.DeLeg.1,6])

Silence enfin sur Claudius Quadrigarius qui pourtant, par sa conception de l’Histoire comme exornatio rerum et son choix des sources « sûres », c’est-à-dire postérieures au sac de Rome par les Gaulois[10], se rapproche aussi de la conception cicéronienne de l’Histoire.

En fait, on constate que, Valerius Antias mis à part, les auteurs tus par Cicéron ont pour point commun justement d’avoir été proches de la conception cicéronienne de l’Histoire. Au lieu de leur rendre hommage comme à des précurseurs, Cicéron fait le silence sur eux. L’explication de ce silence se trouve dans ces paroles censées être celles d’Atticus :

Postulatur a te iam diu uel flagitatur potius historia. Sic enim putant, te illam tractante effici posse, ut in hoc etiam genere Graeciae nihil cedamus. […] Abest enim historia litteris nostris, ut et ipse intellego et ex te persaepe audio. Potes autem tu profecto satis facere in ea, quippe cum sit opus, ut tibi quidem uideri solet, unum hoc oratorium maxime. (Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5])

Il y a longtemps que l’on demande, ou plutôt que l’on réclame de toi une œuvre d’histoire. Car on estime que, si tu te mets à ce genre de travail, nous pourrons arriver même en ce domaine à ne plus du tout nous y trouver inférieurs à la Grèce. […] L’histoire en effet n’existe pas dans notre littérature, comme moi-même je m’en rends compte et comme je te l’entends dire si souvent. Or tu peux d’autant mieux y réussir qu’il s’agit, ainsi que tu as d’ailleurs coutume de l’envisager, d’un travail tout particulièrement propre à un orateur. (Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5])

Ce texte est capital. Il y est affirmé trois choses : 1) l’Histoire, selon Atticus, n’existe (toujours) pas à la date où est écrite le discours (ce qui explique le silence de Cicéron sur les prédécesseurs en qui il refuse de voir des précurseurs) ; 2) pourtant, dans ce genre aussi, nous pouvons égaler les Grecs ; 3) Cicéron seul est capable de le faire, vu son génie oratoire. Et Atticus de conclure :

Quare tuum est munus hoc, a te exspectatur. (Cic. Leg. 1, 7[Cic.DeLeg.1,7])

Aussi l’histoire est-elle le présent que l’on attend maintenant de ta part. (Cic. Leg. 1, 7[Cic.DeLeg.1,7])

En réalité, c’est évidemment Cicéron qui parle, avec la même fatuité que quand il affirme avoir doté Rome de la philosophie… en oubliant Lucrèce, entre autres. Un dernier point est évoqué allusivement : Cicéron envisage souvent d’écrire un ouvrage historique. « Pas le temps », répond-il en substance un peu plus loin. « Peut-être plus tard, quand je serai vieux[11]. »

Et il est vrai qu’écrire l’Histoire – la « vraie », s’entend, c’est-à-dire contemporaine et limitée dans le temps[12] – fut une tentation récurrente de Cicéron, mais qu’elle ne se réalisa jamais. C’est ce que J. Dangelappelle joliment l’« énigme cicéronienne »[13]. Service à rendre, dit Atticus :

[…] non solum mihi uideris eorum studiis qui litteris delectantur, sed etiam patriae debere hoc munus, ut ea quae salua per te est, per te eundem sit ornata. (Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5])

[…] non seulement aux aspirations de ceux qui aiment les lettres, mais aussi à la patrie, pour que, déjà sauvée grâce à toi, elle soit encore, grâce à toi, illustrée. (Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5])

On aura compris ce que Cicéron a à raconter : son consulat et, ensuite, les vicissitudes de son action politique. L’entreprise, notons-le, n’est pas radicalement nouvelle : il y avait eu l’ouvrage autobiographique – confidentiel, d’après Cicéron – de Catulus, soucieux dans son De consulatu et de rebus gestis[Catulus.Deconsulatu]de récupérer un peu de la gloire que lui aurait volée Marius dans la guerre contre Cimbres et Teutons[14]. Mais on comprend mieux, du coup, le refus obstiné de Cicéron de prendre en compte ces indéniables précurseurs latins du genre historique. Il fallait que, là encore, Cicéron fût le premier à frayer la voie à un genre nouveau, le genre historique.

Le dessein ne sera jamais réalisé. Au lieu de s’atteler à l’œuvre historique que, par la voix d’Atticus, il se réclame à lui-même, Cicéron ne cessera de biaiser. En mars 60, il envoie à Atticus le texte du Commentarium consulatus[Cic.Comm.consul.]qu’il vient de rédiger, en grec, et il annonce l’envoi d’un autre (ou du même ?) récit en latin et enfin d’un poème en latin[15]. Aucune de ces trois œuvres ne sont stricto sensu historiques. La première, par la langue utilisée, rapproche l’entreprise cicéronienne de celle de Lucullus, qui avait raconté en grec la « guerre des Marses »[16], autrement dit la guerre sociale. Lui-même d’ailleurs nous y invite[17]. Quant au titre, qui était probablement celui aussi du récit en latin, il évoque évidemment pour nous l’ouvrage qu’une dizaine d’années plus tard publiera César sur la guerre des Gaules : des « éléments pour servir à l’histoire de… »[18]. Sans doute, comme dans les Commentaires de César, y a-t-il dans ce refus ostensible d’écrire l’Histoire une bonne part de faux-semblant, le même que dénoncera Cicéron en 46 dans son éloge de l’œuvre de César :

Sed dum uoluit alios habere parata, unde sumerent qui uellent scribere historiam, ineptis gratum fortasse fecit, qui uolent illa calamistris inurere ; sanos quidem homines a scribendo deterruit. Nihil est enim in historia pura et illustri breuitate dulcius. (Cic. Brut. 262[Cic.Brut.262])

Mais en voulant fournir des documents tout prêts où puiseraient ceux qui voudraient écrire l’histoire, il a peut-être fait plaisir aux maladroits qui voudront y faire des petites bouclettes ; les gens sensés, eux, il les a dissuadés d’écrire. Car rien n’est plus doux en histoire que la brièveté pure et brillante. (Cic. Brut. 262[Cic.Brut.262])

Cette breuitas, dont il créditait la première annalistique, l’avait-il mise en œuvre lui aussi dans son Commentarium consulatus ? On peut en douter, puisqu’il dit :

Meus autem liber totum Isocrati myrothecium atque omnis eius discipulorum arculas ac non nihil etiam Aristotelia pigmenta consumpsit, (Cic. Att. 2, 1, 1-2[Cic.Att.2,1,1-2])

Mon livre a épuisé la boite à parfums d’Isocrate, tous les coffrets à bijoux de ses disciples, sans parler des couleurs aristotéliciennes, (Cic. Att. 2, 1, 1-2[Cic.Att.2,1,1-2])

au point que Posidonios de Rhodes, qui devait à partir du commentarium rédiger un vrai ouvrage historique en a été découragé. On voit que, lorsque, quelques années plus tard, il portera sur les Commentaires de César le même jugement, il mettait ceux-ci en perspective avec les siens : Cicéron et César ont tous deux découragé les historiens d’écrire après eux. Il reste qu’en livrant ce « matériau » aux historiens éventuels de son consulat, Cicéron savait qu’il se défaussait de l’écriture historique : jamais en effet le nom de César n’apparaît dans les listes d’historiens dressées par les Anciens, y compris chez Cicéron.

De même qu’il suivait l’exemple de Lucullus dans son récit en grec, de même, en composant un poème sur son consulat, il marchait sur les traces d’Hortensius, auteur d’un poème sur la guerre des Marses[19]. L’avantage de l’écriture poétique, c’est, de l’aveu même de l’Arpinate parlant des libertés poétiques qu’il s’est permis dans son poème Marius, qu’on n’est pas obligé de s’en tenir à la pure vérité :

[…] alias in historia leges obseruandas […] alias in poemate. – Quippe cum in illa ad ueritatem […] quaeque referantur, in hoc ad delectationem pleraque. (Cic. Leg. 1, 4[Cic.DeLeg.1,4])

On doit en histoire observer certaines lois, et en poésie des lois différentes. – Puisque dans l’une chaque détail se rapporte à la vérité et dans l’autre la plupart des traits tendent à l’agrément. (Cic. Leg. 1, 4[Cic.DeLeg.1,4])

Sans doute cette liberté séduisit-elle tellement Cicéron qu’il retourna à la poésie en 56 avec un long poème épique en trois chants De temporibus meis,achevé en 54, mais dont on doute qu’il ait été publié, peut-être en raison du peu d’enthousiasme que César marqua à sa lecture[20].

Or ce qui est important pour nous, c’est qu’au moment même où il commençait à rédiger ce poème, il s’adressait à Lucceius, dans une lettre célèbre, pour qu’il écrive l’histoire de son consulat[21]. De cette lettre, fondamentale pour l’analyse de sa conception du genre historique[22], nous ne voulons retenir ici que les trois points suivants, qui intéressent notre propos : 1) Cicéron renonce donc à écrire l’Histoire ; 2) Lucceius y est qualifié de véritable historien, lui qui est sur le point d’achever une

Italici belli et ciuilis historiam ; (Cic. Fam. 5, 12, 2[Cic.Fam.5,12,2])

histoire de la guerre d’Italie et de la guerre civile ;(Cic. Fam. 5, 12, 2[Cic.Fam.5,12,2])

3) le récit des événements que Cicéron lui demande d’écrire pour lui y est qualifié de fabula. Le deuxième point contredit l’affirmation contemporaine, de Cicéron lui-même, selon laquelle il n’y aurait pas encore d’historia à Rome ; on a même pu noter que c’est justement la prolifération des ouvrages historiques qui conduisit Cicéron à théoriser sa conception de l’historiographie[23], afin de transplanter l’histoire dans un domaine qui lui était familier : l’art oratoire, quitte à l’arracher à son terreau naturel : car, à Rome, la matrice de l’histoire, depuis Ennius au moins, c’est l’épopée. Le troisième point renvoie certainement à une conception dramatique de l’Histoire, ou plutôt de la biographie tourmentée de Cicéron, pleine des

fortunae uicissitudines. (Cic. Fam. 5, 12, 4[Cic.Fam.5,12,4])

vicissitudes de la fortune. (Cic. Fam. 5, 12, 4[Cic.Fam.5,12,4])

Mais il renvoie aussi, quoi qu’on en ait dit, au sens de fabula comme fiction. Car ce que demande Cicéron à Lucceius, ce n’est pas seulement de sacrifier à la théorie cicéronienne de l’historia ornata, c’est bel et bien

[…] ut te ornes ea uementius etiam quam fortasse sentis, et in eo leges historiae neglegas gratiamque illam […] ne aspernere amorique nostro plusculum etiam quam concedet ueritas largiare (Cic. Fam. 5, 12, 3[Cic.Fam.5,12,3])

[…] d’embellir le récit au-delà même de ce qui est peut-être ta vraie pensée, et de n’y pas tenir compte des lois de l’histoire, mais de ne pas dédaigner […] la complaisance, […] enfin d’accorder à notre amitié un petit peu plus même que ne concèdera la vérité (Cic. Fam. 5, 12, 3[Cic.Fam.5,12,3])

– en un mot, de transgresser l’exigence fondamentale, prescrite par Cicéron lui-même, de vérité en Histoire. Lucceius déclina la proposition, et on le comprend.

Reste le premier point. Car ce qu’on comprend aussi, c’est que, là encore quoi qu’on en ait dit, il règne une certaine confusion dans la théorie cicéronienne de l’histoire. Car le même Cicéron qui invite Lucceius à écrire l’Histoire en négligeant les lois de l’Histoire avait dit de son poème sur son consulat :

Nonγκωμαστικ sunt haec sed στορικ quae scribimus. (Cic. Att. 1, 19, 10[Cic.Att.1,19,10])

Ce n’est pas un panégyrique que j’écris, c’est une œuvre historique. (Cic. Att. 1, 19, 10[Cic.Att.1,19,10])

Osons une hypothèse : ne serait-ce pas le sentiment intime, ou la prise de conscience, de cette incapacité à respecter, en écrivant, les principes même de l’Histoire posés par lui qui aurait retenu Cicéron chaque fois qu’il fut tenté d’écrire le récit historique des événements contemporains où lui-même avait eu tant de part ? Ce n’est pas médire de Cicéron que de relever chez lui quelque chose qui, aujourd’hui, serait taxé de tendance à la paranoïa. Psychologiquement, il lui était donc impossible d’entrer dans le processus inverse – qu’on appelerait aujourd’hui schizophrène – qu’exige, ou qu’aurait exigé, l’objectivité historique dans la narration de faits où il fut impliqué de si près. Cicéron n’a jamais été le premier historien latin qu’il rêvait d’être, non seulement parce qu’il n’était pas, en réalité, véritablement le premier, quoi qu’il en dise, mais surtout parce qu’il était dans une situation qu’on pourrait dire de blocage psychologique, écartelé qu’il était entre la ferveur qu’il éprouvait envers lui-même et ses res gestae, et la nécessité d’en parler froidement, en véritable historien.

3. Salluste, plus anti-Cicéron que « thucydidolâtre »

Pourtant, aveuglé par l’affirmation – qui souffre donc à tout le moins quelques nuances – que l’Histoire n’existe pas encore à Rome du temps de Cicéron et par l’abondante critique moderne suscitée par la théorisation cicéronienne du genre historique – dont nous avons vu les limites – R. Syme, dans un raccourci saisissant, conclut ainsi le premier chapitre de son Salluste : « Cicéron fut tué le 6 décembre de l’an 43 avant J.-C. Peu de mois après cet événement, Salluste était au travail.[24] » On peut comprendre – et d’ailleurs on a souvent compris – la remarque comme signifiant : peu de temps après que Cicéron eut posé les fondements théoriques du genre historique, le premier ouvrage historique était bâti sur ces fondements. Rien n’est plus faux.

Car Salluste est aux antipodes de Cicéron. À part, quand même, deux points essentiels : 1) l’éthique de l’historien, où l’on voit que Salluste a bien lu les conseils d’objectivité de Cicéron[25] ; 2)  la conception de l’Histoire comme monographie centrée sur une brève période contemporaine. Pour le reste, les deux hommes divergent en tout et sur tout. Non seulement il y a quelque chose de vrai dans la vieille idée que Salluste, dans la Conjuration de Catilina[Sal.Cat.],répond à Cicéron – sinon au mystérieux De consiliis suis[Cic.DeConsiliis][26],publié après sa mort et qui contenait, paraît-il, des révélations sur la conduite de César au moment de la conjuration[27], du moins aux panégyriques que celui-ci s’adressa à lui-même –, mais encore tout se passe comme si Salluste avait eu à cœur de rompre complètement avec la théorisation cicéronienne du genre historique : un style sec et nerveux, émaillé d’archaïsmes, quand Cicéron conseillait un style fluide et une langue pure ; le moins possible de dramatisation ; des entorses avec la chronologie ; un récit coupé de digressions théoriques, relevant de la philosophie de l’histoire, voire annonçant l’analyse sociologique. Nous sommes très loin de Cicéron, dont le véritable disciple, si l’on oublie qu’il revient à la conception annalistique de l’Histoire, serait plutôt Tite-Live, du moins du point de vue stylistique.

Divergence aussi sur les prédécesseurs grecs à admirer et peut-être à imiter. Cicéron, qui les passe en revue[28], avoue sa préférence pour Hérodote[29], même si son récit est un peu trop encombré de légendes[30]. On dit communément que cette préférence est stylistique ; ce n’est qu’une partie de la vérité, celle que veut bien nous dire Cicéron. Mais en réalité, ce qui plaît à Cicéron chez Hérodote, c’est qu’il est celui

qui princeps genus hoc ornauit, (Cic. De Or. 2, 55[Cic.DeOrat.2,55])

qui fut le premier à orner ce genre, (Cic. De Or. 2, 55[Cic.DeOrat.2,55])

celui que les Grecs appelèrent :

pater historiae. (Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5])

le père de l’histoire. (Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5])

Ces expressions ne trompent pas : Hérodote fut ce que Cicéron aurait aimé être à Rome, ce qu’il espère encore devenir au moment où il écrit ces lignes. Quant à Thucydide, il reconnaît que c’est le plus grand des historiens grecs, mais ce n’est pas un orateur et ses sectateurs romains sont des incompétents qui ne lui arrivent pas à la cheville[31]. Sans doute la critique vise-t-elle plus ceux qu’on appelait les Atticistes que Thucydide lui-même. Mais on voit par ces jugements combien Cicéron appréciait froidement l’historien grec.

Et combien, là encore, Salluste se démarque de Cicéron. Car, après tout, prendre Thucydide pour modèle n’allait pas de soi. Pace Jacqueline de Romilly, les Anciens n’avaient pas pour Thucydide l’admiration que nous sommes fermement invités à avoir pour lui. Avant Salluste – on l’oublie un peu trop – l’influence de Thucydide à Rome, et même en Grèce, est faible, voire quasiment nulle[32]. Les contemporains de Cicéron et de Salluste, tout en reconnaissant ses mérites en tant qu’historien, partageaient sans nul doute le jugement que portera sur son style, quelques années plus tard, Denys d’Halicarnasse : une langue archaïque, encombrée de tournures poétiques, d’une enflure et d’une affectation qui rend l’œuvre difficile à lire, jusqu’à l’obscurité[33]. L’immense littérature accumulée depuis un siècle sur l’influence de Thucydide sur Salluste[34] fait quelque peu oublier le peu d’estime dans lequel l’historien grec était généralement tenu. Elle a d’autre part donné lieu à une véritable surenchère, chacun s’ingéniant à rechercher une influence de tel passage de Thucydide sur tel passage de Salluste, au point de considérer, trop souvent, la simple utilisation commune de topoi rhétoriques ou de vagues rapprochements comme des preuves avérées d’une influence du premier sur le second. Or, à y regarder de près et à ne s’en tenir qu’aux influences manifestes dans l’œuvre considérée comme la plus influencée par Thucydide, la Conjuration de Catilina[Sal.Cat.], force est de constater que les passages où l’imitation de Thucydide par Salluste est « absolument » certaine sont seulement au nombre de dix. Les voici :

 

Salluste

 

 

Thucydide

 

1, 6[Sall.Cat.,1,6]

Nam et prius quam incipias consulto et, ubi consulueris, mature facto opus est.

 

1, 70, 2[Thuc.1,70,2]

 

οἱ μέν γε νεωτεροποιοὶ καὶ ἐπινοῆσαι ὀξεῖς καὶ ἐπιτελέσαι ἔργῳ ἃ ἂν γνῶσιν

 

« Car avant d’agir il faut réfléchir, et après la réflexion, passer vite à l’action. »

 

2, 40, 2[Thuc.2,40,2]

« Eux sont novateurs, vifs pour imaginer, et pour réaliser leurs idées. »

 

 

 

οὐ τοὺς λόγους τοῖς ἔργοις βλάβην ἡγούμενοι, ἀλλὰ μὴ προδιδαχθῆναι μᾶλλον λόγῳ πρότερον ἢ ἐπὶ ἃ δεῖ ἔργῳ ἐλθεῖν

 

 

 

 

« Car la parole n’est pas à nos yeux un obstacle à l’action : c’en est un, au contraire, de ne pas s’être d’abord éclairé par la parole avant d’aborder l’action à mener. »

 

3, 2[Sall.Cat.3,2]

Ac mihi quidem, tametsi haudquaquam par gloria sequitur scriptorem et auctorem rerum, tamen in primis arduum uidetur res gestas scribere : primum, quod facta dictis exaequanda sunt ; dehinc, quia plerique, quae delicta reprehenderis, maliuolentia et inuidia dicta putant ; ubi de magna uirtute atque gloria bonorum memores, quae sibi quisque facilia factu putat, aequo animo accipit, supra ea ueluti ficta pro falsis ducit.

 

2, 35, 2[Thuc.2,35,2]

χαλεπὸν γὰρ τὸ μετρίως εἰπεῖν ἐν ᾧ μόλις καὶ ἡ δόκησις τῆς ἀληθείας βεβαιοῦται. ὅ τε γὰρ ξυνειδὼς καὶ εὔνους ἀκροατὴς τάχ᾽ ἄν τι ἐνδεεστέρως πρὸς ἃ βούλεταί τε καὶ ἐπίσταται νομίσειε δηλοῦσθαι, ὅ τε ἄπειρος ἔστιν ἃ καὶ πλεονάζεσθαι, διὰ φθόνον, εἴ τι ὑπὲρ τὴν αὑτοῦ φύσιν ἀκούοι. μέχρι γὰρ τοῦδε ἀνεκτοὶ οἱ ἔπαινοί εἰσι περὶ ἑτέρων λεγόμενοι, ἐς ὅσον ἂν καὶ αὐτὸς ἕκαστος οἴηται ἱκανὸς εἶναι δρᾶσαί τι ὧν ἤκουσεν· τῷ δὲ ὑπερβάλλοντι αὐτῶν φθονοῦντες ἤδη καὶ ἀπιστοῦσιν

 

 

« Et même à mes yeux, bien que la gloire soit loin d’être la même pour celui qui écrit l’histoire et celui qui la fait, c’est une tâche des plus ardues que celle de l’historien : d’abord son récit doit être à la hauteur des faits, ensuite, s’il lui arrive de blâmer quelque faute, on le croit généralement inspiré par la malveillance et la jalousie ; lorsqu’il parle de la vertu et de la gloire des grands hommes, chacun accepte avec indifférence ce qu’il se croit capable de faire lui-même ; mais tout ce qui dépasse ce niveau, il le tient pour imaginaire et mensonger. »

 

« Car il est difficile d’adopter un ton juste, en une matière où la simple appréciation de la vérité trouve à peine des bases fermes : bien informé et bien disposé, l’auditeur peut fort bien juger l’exposé inférieur à ce qu’il souhaite ou connaît ; mal informé, il peut, par jalousie, y voir de l’exagération, lorsque ce qu’il entend dépasse ses capacités ; car on ne tolère pas sans limites les louanges prononcées à propos d’un tiers : chacun le fait dans la mesure où il se croit lui-même capable d’accomplir tels exploits qu’il entend rapporter ; au-delà, avec la jalousie, naît l’incrédulité. »

 

6, 5[Sall.Cat.6,5]

[…] magisque dandis quam accipiundis beneficiis amicitias parabant.

 

2, 40, 4[Thuc.2,40,4]

οὐ γὰρ πάσχοντες εὖ, ἀλλὰ δρῶντες κτώμεθα τοὺς φίλους

 

 

« […]et c’est plus par les services rendus que par les services reçus qu’ils s’assuraient des amitiés. »

 

 

« Ce ne sont pas les services qu’on nous rend, mais nos propres bienfaits, qui sont à l’origine de nos amitiés. »

 

10, 3

Igitur primo pecuniae, deinde imperi cupido creuit ; ea quasi materies omnium malorum fuere.

 

3, 82, 8[Thuc.3,82,8]

πάντων δ᾽ αὐτῶν αἴτιον ἀρχὴ ἡ διὰ πλεονεξίαν καὶ φιλοτιμίαν

 

 

« Ainsi donc d’abord la soif de l’argent s’accrut, puis celle du pouvoir ; ce fut là pour ainsi dire l’aliment de tous les maux. »

 

 

« La cause de tout cela, c’était le pouvoir voulu par cupidité et par ambition. »

12, 1[Sall.Cat.12,1]

Postquam diuitiae honori esse coepere et eas gloria, imperium, potentia sequebatur, hebescere uirtus, paupertas probro haberi, innoientia pro maliuolentia duci coepit.

 

2, 40, 1[Thuc.2,40,1]

πλούτῳ τε ἔργου μᾶλλον καιρῷ ἢ λόγου κόμπῳ χρώμεθα, καὶ τὸ πένεσθαι οὐχ ὁμολογεῖν τινὶ αἰσχρόν, ἀλλὰ μὴ διαφεύγειν ἔργῳ αἴσχιον

 

 

« Lorsque la richesse fut en honneur, qu’elle s’accompagna de la gloire, des commandements, de la puissance politique la pauvreté devint une honte, l’intégrité de la malveillance. »

 

« Nous employons la richesse, de préférence, pour agir avec convenance, non pour parler avec arrogance ; et quant à la pauvreté, l’avouer tout haut n’est jamais une honte ; c’en est une plutôt de ne pas s’employer en fait à en sortir. »

 

20, 9[Sall.Cat.20,9]

Nonne emori per uirtutem praestat quam uitam miseram atque inhonestam, ubi alienae superbiae ludribrio fueris, per dedecus amittere ?

2, 43, 6[Thuc.2,43,6]

ἀλγεινοτέρα γὰρ ἀνδρί γε φρόνημα ἔχοντι ἡ μετὰ τοῦ [ἐν τῷ] μαλακισθῆναι κάκωσις ἢ ὁ μετὰ ῥώμης καὶ κοινῆς ἐλπίδος ἅμα γιγνόμενος ἀναίσθητος θάνατος.

 

 

« Ne vaut-il pas mieux mourir courageusement que de perdre honteusement une vie misérable et sans honneur, après avoir servi de jouet à l’insolence d’autrui. »

 

« Car il est plus dur, pour un homme un peu fier, de subir un amoindrissement accompagnant un manque de fermeté, que de garder sa propre énergie ainsi que l’espérance commune, et de subir la mort sans l’avoir sentie venir. »

 

38, 3[Sall.Cat.38,3]

Namque, uti paucis uerum absoluam, post illa tempora quicumque rem p. agitauere honestis nominibus, alii secuti populi iura defenderent, pars quo senatus auctoritas maxuma foret, bonum publicum simulantes pro sua quisque potentia certabant.

 

3, 82, 8[Thuc.3,82,8]

οἱ γὰρ ἐν ταῖς πόλεσι προστάντες μετὰ ὀνόματος ἑκάτεροι εὐπρεποῦς, πλήθους τε ἰσονομίας πολιτικῆς καὶ ἀριστοκρατίας σώφρονος προτιμήσει, τὰ μὲν κοινὰ λόγῳ θεραπεύοντες ἆθλα ἐποιοῦντο.

 

« Car, pour dire brièvement toute la vérité, tous ceux qui, depuis cette époque, ont jeté le trouble dans l’État sous de beaux prétextes, les uns se posant en défenseurs des droits du peuple, les autres, pour donner toute sa force à l’autorité du Sénat, tout en alléguant le bien public, travaillaient chacun pour sa propre puissance. »

 

 

« En effet les chefs des cités, pourvus dans chaque camp d’un vocabulaire spécieux, qui leur faisait exalter davantage l’égalité de tous les citoyens devant la loi ou bien la sagesse de l’aristocratie, traitaient des intérêts de l’État, qu’ils servaient en parole, comme un prix à emporter. »

51, 1[Sall.Cat.51,1]

Omnis homines, patres conscripti, qui de rebus dubiis consultant, ab odio, inimicitia, ira atque misericordia uacuos esse decet. »

3, 42, 1[Thuc.3,42,1]

νομίζω δὲ δύο τὰ ἐναντιώτατα εὐβουλίᾳ εἶναι, τάχος τε καὶ ὀργήν, ὧν τὸ μὲν μετὰ ἀνοίας φιλεῖ γίγνεσθαι, τὸ δὲ μετὰ ἀπαιδευσίας καὶ βραχύτητος γνώμης

 

 

« Tout homme, Pères conscrits, qui délibère sur un cas douteux, doit être exempt de haine, d’amitié, de colère et de pitié. »

 

« Mais à mon sens, les deux obstacles les plus contraires à la prudence sont la hâte et la colère, l’une qui va d’ordinaire avec la déraison, l’autre avec la grossièreté d’esprit et les vues courtes. »

 

52, 11[Sall.Cat.52,11

Iampridem equidem nos uera uocabula rerum amisimus : quia bona aliena largiri liberalitas, malarum rerum audacia fortitudo uocatur […].

 

3, 82, 4[Thuc.3,82,4]

καὶ τὴν εἰωθυῖαν ἀξίωσιν τῶν ὀνομάτων ἐς τὰ ἔργα ἀντήλλαξαν τῇ δικαιώσει. τόλμα μὲν γὰρ ἀλόγιστος ἀνδρεία φιλέταιρος ἐνομίσθη, μέλλησις δὲ προμηθὴς δειλία εὐπρεπής […].

 

 

« Il y a longtemps en vérité que nous avons perdu le véritable sens des mots. Prodiguer le bien d’autrui s’appelle libéralité ; l’audace dans le crime prend le nom de bravoure[…]. »

 

« On changea jusqu’au sens usuel des mots par rapport aux actes, dans les justifications qu’on donnait. Une audace irréfléchie passa pour dévouement courageux à son parti, une prudence réservée pour lâcheté déguisée, la sagesse pour le masque de la couardise […]. »

 

52, 18[Sall.Cat.52,18]

Quanto uos attentius ea agetis, tanto illis animus infirmior erit ; si paululum modo uos languere uiderint, iam omnes feroces aderunt.

3, 37, 2[Thuc.3,37,2]

καὶ ὅτι ἂν ἢ λόγῳ πεισθέντες ὑπ᾽ αὐτῶν ἁμάρτητε ἢ οἴκτῳ ἐνδῶτε, οὐκ ἐπικινδύνως ἡγεῖσθε ἐς ὑμᾶς καὶ οὐκ ἐς τὴν τῶν ξυμμάχων χάριν μαλακίζεσθαι

 

 

« Plus vous agirez vigoureusement, plus leur courage faiblira ; pour peu qu’ils vous voient chanceler, bientôt ils seront tous là, pleins d’insolence. »

 

« Quand leurs arguments vous égarent ou que vous cédez à la pitié, vous ne songez pas que c’est une faiblesse qui vous met en danger sans vous valoir leur faveur. »

 

 

 

3, 39, 5[Thuc.3,39,5]

πέφυκε γὰρ καὶ ἄλλως ἄνθρωπος τὸ μὲν θεραπεῦον ὑπερφρονεῖν, τὸ δὲ μὴ ὑπεῖκον θαυμάζειν

 

 

 

 

« Car dans tous les cas la nature humaine méprise la flatterie et révère la fermeté. »

 

À tout prendre, cela fait relativement peu, beaucoup moins en tout cas que la quarantaine de passages répertoriés par T. F. Scanlon[35]. Il convient d’ailleurs de noter que ces passages où l’imitation est indubitable ne dépassent pas le livre 3 de la Guerre du Péloponnèse[Thuc.]. Au point qu’il est permis de se demander si, au moment du moins où Salluste rédigea son premier ouvrage, il avait une connaissance totale de l’œuvre thucydidéenne. On a même soupçonné qu’il pouvait n’en connaître que des « morceaux choisis »[36], composés essentiellement des discours de Thucydide, qui sont, de fait, plus nombreux dans les trois premiers livres que dans les suivants. Il est en effet remarquable, d’une part que certains passages inspirés de Thucydide se retrouveront dans le Bellum Iugurthinum[Sall.Jug.][37]comme si la « culture » thucydidéenne de Salluste était somme toute moins grande qu’on ne le dit communément, d’autre part que les passages imités par Salluste appartiennent, à une exception près, à des textes de discours : discours des Corinthiens au livre 1, discours de Périclès au livre 2, discours de Cléon et de Diodote au livre 3. Sans surprise, on constate donc que la moitié des passages de Salluste imités de Thucydide se trouve aussi dans des discours (de Catilina, de César et de Caton) et que les autres sont dans les « intrusions d’auteur » – autrement dit dans des passages où l’auteur « parle ».

On pourrait donc penser que Salluste ne traite pas autrement Thucydide que comme un « réservoir » rhétorique, au même titre qu’Isocrate, Démosthène ou le Platon oral des Dialogues, s’il n’y avait pas trois passages qui renvoient à Thuc. 3, 82 – c’est-à-dire à un développement où celui-ci fait l’analyse sociopolitique des conditions qui ont conduit Athènes à la guerre du Péloponnèse. Or ce développement est repris par Salluste, d’abord dans deux passages du même type, situés l’un dans la Préface (1-4) et l’autre dans la « digression » sur l’Histoire de Rome (6-13), où il analyse les raisons de la « décadence » romaine qui a permis l’émergence d’un Catilina. Quant au troisième, il se trouve dans le discours de Caton qui, comme chacun sait, exprime ici très largement les idées de Salluste.

Or, parmi les raisons qui ont pu pousser Salluste à regarder du côté de Thucydide, on n’a pas assez souligné la relative similitude de leurs destins respectifs : tous deux sont politiquement des modérés ; tous deux avaient leur grand homme : Périclès pour l’un, César pour l’autre ; tous deux ont vu leurs cités respectives déchirées dans les difficultés intérieures alors même qu’elles étaient apparemment au faîte de leur puissance ; tous deux ont été de piètres stratèges, l’un en Thrace, l’autre en Afrique ; tous deux ont vu leur carrière politique brisée net, l’un par l’exil, l’autre par la mort de son protecteur ; et tous deux se sont mis alors à réfléchir sur l’Histoire[38], au moment où leur cité s’enfonçait dans le malheur, la guerre civile et la tyrannie anarchique, en se posant la même question : comment en est-on arrivé là ? On conviendra que cette coïncidence fatale a pu jouer dans l’intérêt – a priori, nous l’avons dit, étrange – que Salluste a manifesté pour l’œuvre de Thucydide.

Il faut cependant raison garder et se garder de voir, comme on l’a fait trop souvent, dans Thucydide le maître à penser de Salluste en matière de conception de l’Histoire et du genre historique. Les lacunes méthodologiques de Salluste en tant qu’historien, surtout dans sa première œuvre, maintes fois soulignées par la critique moderne[39], interdisent de voir en lui, quoi qu’on en ait dit, un élève de Thucydide. À moins d’admettre que l’élève était peu doué – hypothèse dont l’absurdité éclate. Ce qui est sûr, c’est qu’en choisissant de renvoyer aussi ostensiblement à Thucydide, Salluste entendait clairement manifester sa rupture avec à la fois l’esthétique cicéronienne et la conception cicéronienne de l’Histoire. Et il y a certainement quelque ironie délibérée à placer dans la bouche de Catilina, lors de la fameuse réunion secrète des conjurés, l’unique clin d’œil sallustéen à Cicéron[40] :

Quae quousque tandem patiemini, o fortissumi uiri ? (Sall. BC 20, 9[Sall.Cat.20,9])

Jusques à quand, mes braves, souffrirez-vous cet état de choses ? (Sall. BC 20, 9[Sall.Cat.20,9])

4. Salluste et César

Si pourtant, en dépit de cette exception, de manière générale l’imitatio est bien, comme chacun sait, pour les Anciens, une manière de rendre hommage à celui qu’on imite, si, pour parler court, référence vaut révérence, il faut à présent nous tourner vers une imitation sallustéenne qui n’a guère jusqu’à présent attiré l’attention des chercheurs. Nous voulons parler de César. Si quelques études, en effet, ont été faites sur le personnage de César tel qu’il apparaît chez Salluste[41], on ne s’est guère posé la question de l’imitatio de César par Salluste, pour la simple raison qu’il est entendu depuis l’Antiquité que Salluste est un historien, et César non[42]. Or non seulement l’œuvre littéraire de César était connue et appréciée ; non seulement, après la Guerre des Gaules[Caes.Gal.]quelques années auparavant, le Bellum ciuile[Caes.Civ.]avait été publié peu après la mort de César, mais encore l’œuvre historique de César venait de connaître un regain d’actualité, dans les premiers mois de 43, du fait de l’édition par Hirtius, avant sa mort tragique à Modène, du corpus constitué par la Guerre des Gaules[Caes.Gal.]et la Guerre civile[Caes.Civ.],reliées entre elles par le livre 8 écrit par ce lieutenant et secrétaire de César[43]. Quelques mois au maximum séparent cette publication du corpus césarien de la rédaction par Salluste de sa première œuvre historique. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que quelqu’un qui, comme Salluste, avait été l’un de ses partisans, qui approuvait et admirait aussi bien son action que son œuvre littéraire, ait l’idée de rendre hommage au grand homme en l’imitant.

Cette imitation existe : nous pensons l’avoir montré pour le Bellum Iugurthinum[Sal.Jug.],qui emprunte une part de son inspiration au livre 7 de la Guerre des Gaules[Caes.Gal.][44]. Pour la Conjuration de Catilina[Sal.Cat.],l’imitatio de Salluste est plus générale : elle ne cantonne pas à un livre de la Guerre des Gaules[Caes.Gal.], elle s’étend à toute l’œuvre « historique » de César. Nous nous proposons de le montrer, avec l’aide du tableau suivant :


Sall., BC

 

 

Caes.

 

 

8, 1[Sal.Cat.8,1]

 

Sed profecto fortuna in omni re dominatur; ea res cunctas ex lubidine magis quam ex uero celebrat obscuratque.[45]

 

BG 6, 30, 2[Caes.Gal.6,30,2]

Multum cum in omnibus rebus, tum in re militari potest fortuna.

 

 

« Mais la fortune est maîtresse en tout ; c’est elle qui, au gré de son caprice plus que suivant le vrai mérite, donne la gloire à toutes choses ou les condamne à l’obscurité. »

 

 

« La fortune peut beaucoup en toutes choses, et spécialement dans la chose militaire. »

19, 5[Sal.Cat.19,5]

[…] Cn. Pompei ueteres fidosque clientis […]

 

BC 2, 18, 7[Caes.Civ.2,18,7]

Magna esse Pompei beneficia et magnas clientelas in citeriore prouincia sciebat.

 

 

« […] les vieux et fidèles clients de Cn. Pompée […] »

 

 

« Il connaissait l’importance des bienfaits de Pompée et l’importance de sa clientèle dans la province citérieure. »

 

22, 1[Sal.Cat.22,1]

[…] ad iusiurandum […] adigeret […]

 

BG 7, 67, 1[Caes.Gal.7,67,1]

[…] omnibus iureiurando(a) (ad iusiurandum b) adactis[…]

 

 

« […] il faisait prêter le serment […] »

 

 

« […] ayant fait prêter le serment à tous […] »

 

29, 2[Sal.Cat.29,2]

Itaque, quod plerumque in atroci negotio solet, senatus decreuit darent operam consules ne quid res p. detrimenti caperet.

 

BC 1, 5, 3[Caes.Civ.1,5,3]

 

 

Decurritur ad illud extremum atque ultimum senatus consultum, quo nisi paene in ipso urbis incendio atque in desperatione omnium salutis […] nunquam ante descensum est : dent operam consules, praetores, tribuni plebis, quique pro consulibus sunt ad urbem ne quid res p. detrimenti capiat.

 

 

« En conséquence, comme il est de règle dans une situation critique, le sénat prit un décret ordonnant aux consuls de mettre leurs soins à préserver la République de tout dommage. »

 

 

« On va jusqu’à recourir à ce suprême et ultime sénatus-consulte, extrémité à laquelle, sauf lorsque Rome était pour ainsi dire livrée aux flammes et que l’on désespérait du salut commun […] on n’était jamais descendu : “Veillent les consuls, les préteurs, les tribuns de la plèbe et les proconsuls qui sont aux abords de la ville, à ce que la République ne subisse aucun dommage”. »

 

 

 

7, 5

[Caes.Civ.1,7,5]

Quotienscumque sit decretum, darent operam magistratus ne quid res p. detrimenti caperet […] factum in perniciosis legibus, in ui tribunicia […]

 

 

 

 

« Chaque fois qu’a été pris le décret ordonnant aux magistrats de veiller à ce que la République ne subisse aucun dommage, […]on l’a fait pour combattre des lois dangereuses, des coups de force des tribuns […]

 

 

31, 5

[Sal.Cat.31,5]

[…] dissimulandi causa aut sui expurgandi […]

 

BG 4, 13, 5

[Caes.Gal.4,13,5]

[…] ut dicebatur, sui purgandi causa […]

 

 

« […]soit pour mieux feindre, soit pour se laver de toute accusation […] »

 

 

« […]sous prétexte de s’excuser […] »

 

20, 7[Sal.Cat.20,7]

 

Res publica inpaucorum potentium ius atque dicionem […]

 

BC 1, 4, 4

[Caes.Civ.1,4,4]

 

[…] ab inimicis Caesaris […]

 

 

« La République entre les mains d’une puissante oligarchie qui en dispose à son gré […] »

 

 

« […] par les ennemis de César »

 

30, 4[Sal.Cat.30,4]

[…] calomnia paucorum […]

 

BC 1, 7, 1[Caes.Civ.1,7,1]

[…] iniurias inimicorum in se […]

 

 

« […] par la calomnie de quelques-uns […] »

 

 

« […] les injures de ses ennemis contre lui »

 

34, 2[Sal.Cat.34,2]

 

[…] factioni inimicorum […]

 

BC 1, 7, 7[Caes.Civ.1,7,7]

[…] ab inimicis defendant […]

 

 

« […]la faction de ses ennemis […] »

 

 

« […] qu’ils le défendent contre ses ennemis […] »

 

35, 3[Sal.Cat.35,3]

 

Iniuriis contumeliisque concitatus […]

 

BC 1, 9, 1[Caes.Civ.1,9,1]

[…] nihil ad leuandas iniurias […]

 

 

« Poussé à bout par les injustices et les affronts […] »

 

« […] rien pour apaiser les injures […] »

49, 2[Sal.Cat.49,2]

 

Nam uterque cum illo grauis inimicitias exercebant.

 

BC 1, 22, 5-6[Caes.Civ.1,22,5-6

 

[…]se a contumeliis inimicorum defenderet […] / se et populum Romanum factione paucorum oppressum […]

 

 

« Tous deux avaient en effet de graves motifs d’inimitié »

 

 

« […] qu’il se défende contre les humiliations de ses ennemis […]/lui et le peuple romain sont opprimés par une faction oligarchique […] »

58, 11[Sal.Cat.58,11]

[…] potentia paucorum

 

9, 2[Caes.Civ.1,9,2]

 

[…] quod pop. Romani beneficium sibi per contumeliam ab inimicis extorqueretur […]

 

 

« […]l’oligarchie au pouvoir. »

 

« […]parce que le bienfait accordé par le peuple romain lui a été retiré de force par l’humiliation venue de ses ennemis […] »

 

 

 

32, 2[Caes.Civ.1,32,2]

iniurias inimicorum commemorat.

 

 

 

 

« Il rappelle les injures de ses ennemis »

 

 

 

32, 4[Caes.Civ.1,32,4]

[…] contradicentibus inimicis […]

 

 

 

 

« […] ses ennemis parlaient contre […] »

 

 

 

32, 5[Caes.Civ.1,32,5

Acerbitatem inimicorum docet […]

 

 

 

 

« Il souligne l’acharnement de ses ennemis […] »

 

 

 

32, 6

 

[…] iniuriam in eripiendis legionibus […]

 

 

 

 

« […]l’injure consistant à lui avoir arraché ses légions […] »

 

 

 

85, 4[Caes.Civ.1,85,4]

[…] per paucos probati et electi […]

 

 

 

 

« […]approuvés et choisis par une oligarchie […] »

 

20, 14[Sal.Cat.20,14]

 

En illa, illa quam saepe optatis, libertas […]

 

BC 1, 9, 5

[Caes.Civ.1,9,5]

 

[…] libera comitia […] permittatur.

 

 

« La voici, oui la voici, cette liberté que vous avez tant souhaitée […] »

 

 

« […]qu’on permette aux comices de se réunir librement. »

52, 6[Sal.Cat.52,6]

At nos non imperium neque diuitias petimus […]sed libertatem […]

 

BC 1, 22, 5[Caes.Civ.1,22,5]

[…] ut se et populum Romanum factione paucorum oppressum in libertatem uindicaret.

 

 

« Mais nous, nous ne demandons ni le pouvoir ni la richesse […] mais la liberté […] »

 

 

« […]pour rendre à lui-même et au peuple romain opprimés par la faction oligarchique la liberté. »

 

33, 4[Sal.Cat.33,4]

Libertas et anima nostra in dubio est.

 

 

 

 

« C’est notre liberté, notre vie même qui est en jeu. »

 

 

 

58, 8[Sal.Cat.58,8]

[…] memineritis uos […] libertatem atque patriam in dextris uostris portare.

 

 

 

 

 […]souvenez-vous que vous portez la liberté et la patrie dans vos mains.

 

 

 

58, 11[Sal.Cat.58,11]

Nos pro patria, pro libertate, pro uita certamus.

 

 

 

 

« Nous, nous combattons pour la patrie, pour la liberté, pour la vie. »

 

 

 

35, 3[Sal.Cat.35,3]

 

[…] statum dignitatis non obtinebam […]

 

BC 1, 7, 7

[Caes.Civ.1,7,7]

 

[…] ut eius existimationem dignitatemque ab inimicis defendant.

 

 

« […] je n’obtenais pas le statut dû à mon honneur […] »

 

 

« […] pour défendre contre ses ennemis sa réputation et son honneur. »

 

35, 4[Sal.Cat.35,4]

 

[…] spes relicuae dignitatis conseruandae […]

 

BC 1, 8, 3[Caes.Civ.1,8,3]

Caesarem quoque pro sua dignitate […]

 

 

« […]l’espoir de sauver ce qui me reste d’honneur […] »

 

 

« César aussi pour son honneur […] »

 

60, 7[Sal.Cat.60,7]

[…] memor generis atque pristinae suae dignitatis […]

 

BC 1, 9, 2[Caes.Civ.1,9,2]

Sibi semper primam fuisse dignitatem […]

 

 

« […] se rappelant sa naissance et son honneur passé […] »

 

 

« Pour lui l’essentiel a toujours été l’honneur […] »

 

 

 

BC 1, 32, 4[Caes.Civ.1,32,4]

[…] iacturam dignitatis atque honoris […]

 

 

 

 

« […] l’abandon de son honneur et de sa fonction […] »

 

38, 1[Sal.Cat.38,1]

Nam, postquam Cn. Pompeio et M. Crasso consulibus tribunicia potestas restituta est […]

 

BC 1, 7, 3-4[Caes.Civ.1,7,3-4]

Syllam nudata omnibus rebus tribunicia potestate […] ; Pompeium qui amissa restituisse uideatur […]

 

 

« Mais, après le rétablissement de la puissance tribunicienne par Cn. Pompée et M. Crassus […] »

 

« Sylla, après avoir privé de tout pouvoir la puissance tribunicienne […] ; Pompée, qui paraît l’avoir rétabli après sa perte […] »

 

58, 12[Sal.Cat.58,2]

 

[…] memores pristinae uirtutis […]

 

BG 2, 21, 2

[Caes.Gal.2,21,2]

[…] suae pristinae uirtutis memoriam retinerent[…]

 

 

« […] se souvenant de leur valeur antérieure […] »

 

 

« […]qu’ils se souviennent de leur valeur antérieure […] »

 

60, 3[Sal.Cat.60,3]

 

[…] pristinae uirtutis memores […]

 

 

 

 

« […] se souvenant de leur valeur antérieure […] »

 

 

 

60, 7[Sal.Cat.60,7]

[…] memor generis atque pristinae suae dignitatis […]

 

 

 

 

« […]se rappelant sa naissance et son honneur passé […] »

 

 

 

59, 1[Sal.Cat.59,1]

Dein, remotis omnium equis quo militibus exaequato periculo animus amplior esset, ipse pedes […]

 

BG 1, 25, 1[Caes.Gal.1,25,1]

Caesar primum suo, deinde omnium ex conspectu remotis equis, ut aequato omnium periculo spem fugae tolleret.

 

 

« Puis il donne l’ordre d’éloigner tous les chevaux afin d’augmenter le courage des hommes par l’égalité devant le danger et, mettant lui-même pied à terre […] »

 

 

« César fit éloigner et mettre hors de vue son cheval d’abord, puis ceux de tous les officiers, afin que le péril fut égal pour tous et que personne ne pût espérer s’enfuir. »

59, 5-6[Sal.Cat.59,5-6]

 

Ipse equo circumiens unumquemque nominans appellat, hortatur […] militum animos accendebat.

 

BG 2, 25, 2-3[Caes.Gal.2,25,2-3]

[…] in primam aciem processit centurionibusque nominatim appellatis reliquos cohortatus […] spe inlata militibus ac redintegrato animo […]

 

 

« Lui-même, parcourant les rangs à cheval, interpelle chaque soldat par son nom, les encourage […] il enflammait le courage des soldats. »

 

 

« […] [César] s’avança en première ligne : là, il parla aux centurions en appelant chacun d’eux par son nom et harangua le reste de la troupe […]. Ayant donné de l’espoir aux troupes et leur ayant rendu courage […] »

 

60, 4[Sal Cat.60,4]

Catilina […] in prima acie uersari […]

 

 

 

 

« Catilina […] se porte en première ligne […] »

 

 

 

60, 4[Sal.Cat.60,4]

 

Strenui militis et boni imperatoris officia simul exsequebatur.

 

BG 5, 33, 2[Caes.Gal.5,33,2]

[Cotta] […] in appellandis cohortandis militibus imperatoris et in pugna militis officia praestabat.

 

 

« Il accomplissait à la fois la tâche d’un brave soldat et celle d’un bon général. »

 

 

« [Cotta] […] adressait la parole aux troupes et les exhortait comme un général et combattait dans le rang comme un soldat. »

20, 16[Sal.Cat.20,16]

Vel imperatore uel milite me utimini.

 

 

 

 

« Servez-vous de moi comme général ou comme soldat. »

 

 

 

Ces rapprochements – on le voit – sont trop nombreux pour être fortuits. Et il est hors de doute que les contemporains les aient perçus : eux aussi connaissaient l’œuvre historique de César.

Les allusions au texte de César se répartissent en trois catégories. La première ressortit à l’idéologie popularis et/ou césarienne. Comme on peut s’y attendre, cette catégorie est représentée par des passages issus du Bellum ciuile[Caes.Civ.]. On y trouve d’abord la protestation de César contre l’action de ses inimici, qui se confondent avec l’oligarchie conservatrice : pauci, factio paucorum. Cette protestation césarienne est très présente dans les premiers chapitres du Bellum ciuile[Caes.Civ.], où César s’efforce de montrer que le bon droit est de son côté. À cette catégorie appartiennent aussi les deux revendications, popularis et personnelle, de César en faveur d’une part de la libertas opprimée – notamment celle des tribuns de la plèbe – qu’il s’apprête à venger, d’autre part de sa dignitas bafouée par ses inimici politiques ; ces revendications se trouvent également surtout dans les premiers chapitres du Bellum ciuile[Caes.Civ][46]. Cette catégorie, au demeurant, est la moins probante pour notre démonstration : le vocabulaire politique en général se caractérise par son aspect relativement figé, et celui des populares n’échappe pas à la règle.

La seconde catégorie de réminiscences du texte césarien est plus intéressante de notre point de vue. Elle touche à l’actualité politique de l’époque : importance de la clientèle pompéienne ; gravité du sénatus-consulte ultime et des circonstances où, d’ordinaire, une telle mesure est prise – ce qui est le cas contre Catilina, non contre César ; rétablissement de la tribunicia potestas par Pompée, jugée réelle par Salluste, fallacieuse par César.

Enfin la troisième catégorie, qui est à nos yeux la plus probante, touche au domaine militaire. Il est notable que tous les rapprochements de cette catégorie se font avec le Bellum Gallicum[Caes.Gal.], et non plus avec le Bellum ciuile[Caes.Civ.]. Il est remarquable aussi que même des rapprochements apparemment étrangers au domaine militaire y renvoient pourtant indirectement. C’est le cas de ad iusiurandum adigere, qui rapproche le serment imposé par Catilina aux conjurés de celui imposé – dans la classe ß des manuscrits[47] – par Vercingétorix aux chefs gaulois. C’est aussi le cas de sui purgandi causa qui met sur le même plan l’hypocrisie de Catilina et celle des Germains. On peut même considérer que le premier rapprochement, sur la toute puissance de la Fortuna, semble une surenchère de Salluste sur César. Mais le plus étrange est que tous les autres rapprochements à caractère militaire se situent dans l’épisode final de Pistoia chez Salluste et qu’ils renvoient tous expressément à César.

Il y a de quoi rester quelque peu perplexe devant cette constatation, surtout si l’on remarque parallèllement que l’expression idéologique des thèmes de dignitas, libertas, iniuria inimicorum,etc.,se situent tous, à l’exception de 52, 6 (où c’est Caton qui parle) dans des discours de Catilina ou, une fois, dans la lettre de son lieutenant Manlius. Tout se passe comme si Salluste s’était ingénié à faire en sorte que, quand Catilina parle et quand il se bat, le lecteur pense à César. Cette constatation, passée inaperçue de la critique, à notre connaissance, jusqu’à ce jour, a de quoi déconcerter. Comment expliquer l’apparente aberration qui consiste, pour Salluste, à paraître mettre sur le même plan Catilina et César ?

La réponse, à vrai dire, n’est guère difficile à trouver : il suffit de relire les Préfaces et les « digressions » de Salluste, quand il oppose la uera gloria à la quête effrénée des honneurs, des pouvoirs et des richesses qui caractérise la classe politique de son temps. Catilina, pur produit de cette décadence syllanienne, a emprunté le vocabulaire noble et vertueux des vrais nobles défenseurs de la plèbe, comme l’étaient les Gracques et César ; mais il a fait servir ce vocabulaire dans une rhétorique néfaste au bien public. César, au contraire, quand il prononce les mêmes formules, est sincère et véridique. Salluste répond ainsi à ceux qui, après la publication du Bellum ciuile[Caes.Civ.],accusaient l’écrit de César d’hypocrisie politique. En rappelant la personnalité d’un véritable hypocrite, de celui qui avait dévoyé tant les idéaux de sa classe que ceux des populares,Salluste entendait montrer que les mêmes mots, selon la personnalité de celui qui les prononce, sont dignes ou méprisables. Et il n’est pas jusqu’à « la mémoire de l’ancienne vertu » qui ne tourne ici à l’avantage de César : la similitude de comportement personnel dans la bataille ne saurait faire oublier que, dans le Bellum Gallicum[Caes.Gal.], César se bat pour la gloire et l’accroissement de Rome, alors que Catilina livre le combat désespéré d’un ennemi de la patrie.

5. Conclusion

Alors, on voit bien comment est effectivement né, sous la plume de Salluste, non le genre historique à Rome, mais le premier chef-d’œuvre historique. Il est d’abord né d’un échec, ou plutôt d’un renoncement : celui de Cicéron. Puis de la volonté de rompre avec la conception cicéronienne du genre. Pour cela, Salluste est allé chercher les deux auteurs les plus improbables : un Thucydide qui n’était guère tenu en grande estime par ses contemporains et un César dont chacun s’accordait à dire que, quelques fussent les mérites de ses Commentaires[Caes.Gal.] et de son Bellum ciuile[Caes.Civ.], ni l’un ni l’autre n’étaient des œuvres historiques. De la subtile alchimie du métissage du premier avec le second est sorti le levain qui a permis à Salluste de faire naître une Histoire dont l’éclat ne doit cependant pas faire oublier qu’elle n’a guère eu de postérité. Car ni Tite-Live, ni Tacite, pour ne citer que les deux plus grands, n’apparaissent comme des « disciples » de Salluste. Celui-ci reste un unicum, et il est permis de se demander si l’une des raisons au moins de cette unicité n’est pas justement le caractère marginal de ses sources d’inspiration. Pour Thucydide, la chose était connue – peut-être à l’excès d’ailleurs, tant il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches. Ce que nous espérons avoir mis en évidence, ce sont deux faits peu ou non perçus jusqu’à présent par la critique : d’une part la rupture d’avec Cicéron, d’autre part la dette que Salluste avait envers César. Ce faisant, Salluste ne distinguait pas plus en politique qu’en littérature son peu de goût pour Cicéron et son admiration pour César.

 



[1] Voir Orator 66[Cic.Or.66] :

tracta quaedam et fluens expetitur

elle [l’histoire] réclame un style filé et fluide.

[2] Sall. BC 3, 1[Sall.Cat.3,1] ; cf. BJ 4[Sall.Jug.4].

[3] Tac. Dial. Orat. 36 sq[Tac.Dial36sq].

[4] Sall. BC 4[Sall.Cat.4] ; BJ 3[Sall.Jug.4].

[5] Voir entre octobre 54 et décembre 50, Cic. QF 3, 2, 2 ; 4, 1-2 ; 5, 4 ; 6, 4[Cic.Q.fr.3,2,2;4,1-2;5,4;6, 4] ; Att. 4, 18, 2 ; 7, 5, 7[Cic.Att.4,18,2;7,5,7].

[6] Sur la querelle autour de la date de la rédaction du traité, voir, avec bibliographie complète, N. Marinone, Cronologia ciceroniana,vol. 2, E. Malaspina (éd.), Bologne, Pàtron, 2004, p. 277.

[7] Cic. Leg. 1, 1-5[Cic.DeLeg.1,1-5].

[8] Cic. Leg. 1, 7 [Cic.DeLeg.1,7]; cf. Brut. 228[Cic.Brut.228].

[9] Voir R. Syme, Salluste, traduction P. Robin, Paris, Les Belles Lettres, 1983, p. 47.

[10] Gell. 17, 2, 24 [Gell.17,2,24] ; cf. M. Ledentu, Studium scribendi – Recherches sur les statuts de l’écrivain et de l’écriture à Rome à la fin de la République,Louvain-Paris, BEC, 2004, p. 99-101.

[11] Cic. Leg. 1, 9[Cic.DeLeg.1,9].

[12] Cic. Leg. 1, 8 [Cic.DeLeg.1,8].

[13] J. Dangel, « Les Muses de l’Histoire : l’énigme cicéronienne », in G. Lachenaud et D. Longrée, Grecs et Romains aux prises avec l’Histoire – Représentations, récits et idéologie, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 85-95. Nous abordons la même énigme sous un angle différent du sien. Rappelons d’ailleurs que cette question se pose pour tous ceux qu’a taraudés cette envie et qui ne l’ont pas réalisée : Sénèque, Pline le Jeune, etc. Pour le premier, voir M. Armisen-Marchetti, « Pourquoi Sénèque n’a-t-il pas écrit l’Histoire ? », REL,73, 1995, p. 151-167.

[14] Cic. Brut. 132[Cic.Brutus132] ; sur l’ouvrage de Catulus, voir M. Ledentu, op. cit., p. 113-115.

[15] Cic. Att. 1, 19, 7[Cic.Att.1,19,7] ; voir aussi, sur le poème, 2, 3, 4[Cic.Att.2,3,4].

[16] Plut. Lucul. 1, 7-8[Plut.Lucul.1,7-8]. Sur la monographie en grec de Lucullus sur la guerre des Marses, voir M. Ledentu, op. cit., p. 107 et suiv.

[17] Cic. Att. 1, 19, 7[Cic.Att.1,19,7].

[18] Sur cette définition, cf. P. M. Martin, César, La Guerre des Gaules, La Guerre civile, Paris, Ellipses, 2000, p. 18-20.

[19] Voir M. Ledentu, op. cit., p. 107 et suiv.

[20] Cic. QF 2, 7, 1 ; 15, 5 ; 3, 1, 24 ; Fam. 1, 9, 23[Cic.Q.fr.2,7,1;15,5;3,1,24;Fam.1,9,23].

[21] Cic. Fam. 5, 1[Cic.Fam.5,1].

[22] Voir M. Ledentu, op. cit., p. 240 et suiv., avec bibliographie.

[23] M. Ledentu, ibid.

[24] R. Syme, op. cit., p. 54.

[25] Voir Sall. BC 4, 2[Sal.Cat.4,2] :

[…] mihi a spe, metu, partibus rei p. animus liber erat.

[…] mon âme était libre d’espoir, de crainte, d’esprit partisan.

Cette affirmation de sérénité, gage d’objectivité, deviendra un topos : cf. Tac. H 1, 3[Tac.Hist.1,3].

[26] Ce n’était pas un livre d’histoire, plutôt un pamphlet, un « livre de révélations », « anekdoton », dit-il (Att. 14, 17, 6[Cic.Att.14,17,6]).

[27] Voir, en premier, E. Schwartz, Hermes, 32, 1897, p. 580, bien avant A. D. Leeman, « Le genre et le style historique à Rome », REL, 33, 1955, p. 207.

[28] Cic. De Or. 2, 55-58[Cic.DeOrat.2,55-58].

[29] Cic. De Or. 2, 55[Cic.DeOrat.2,55].

[30] Cic. Leg. 1, 5[Cic.DeLeg.1,5].

[31] Cic. De Or. 2, 56 ; 93 ; Brut. 29 ; 287 ; Or. 30-32[Cic.DeOrat.2,56;93;Brut.29;287;Orat.30-32].

[32] Comme l’a bien montré H. G. Strebel, Wertung und Würkung des Thucydidischen Geschichtswerks in der grieschich-römischen Literatur, Munich, 1935, p. 27 et suiv.

[33] D. H., Or. Att. 2, 2, 1 ; 3, 6 ; 4, 2[Dion.Hal.Orat.Att.2,2,1;3,6;4,2].

[34] On en trouvera la bibliographie à peu près complète (moins les noms de Reddeet de Tiffou, quand même !) dans T. F. Scanlon, The Influence of Thucydides on Sallust,Heidelberg, Carl Winter, 1980, p. 241 et suiv. Le premier ouvrage important sur la question est la dissertation de S. Dolega, De Sallustio imitatore Thucididis, Demosthenis aliorumque scriptorum Graecorum,Breslau, Typis officinae A. Neumanni, 1871. Trois noms importants sont à retenir avant Scanlon : P. Perrochat, Les modèles grecs de Salluste,Paris, Les Belles Lettres, 1949 ; A. D. Leeman, « Le genre et le style historique à Rome : théorie et pratique », REL, 33, 1955, p. 183-208 ; et W. Avenarius, « Sallust und der rhetorische Schulunterricht » RIL, 89-90, 1956, p. 343 et suiv. ; idem, « Die griechischen Vorbilder des Sallust », SO, 33, 1957, p. 48-86.

[35] Op. cit., p. 257 et suiv.

[36] Hypothèse de P. Perrochat, op. cit., p. 84, reprise par W. Avenarius, op. cit.

[37] Comparer Sall. BC 1, 6[Sall.Cat1,6] et BJ 7, 5[Sall.Jug7,5] (= Thuc. 2, 40, 2-3[Thuc.2,40,2-3]) ; BC 3, 2[Sall.Cat.3,2] etBJ 4, 1[Sall.Jug.4,1] (= Thuc. 2, 35, 2[Thuc.2,35,2]) ; BC 10, 3[Sall.Cat.10,3] et BJ 41, 5[Sall.Jug.41,5] (= Thuc. 3, 82, 8[Thuc.3,82,8]).

[38] Il semble bien y avoir un rapport chronologique (cf. Thuc. 5, 26, 5[Thuc.5,26,5) entre l’échec militaire de Thucydide, son exil et le début de sa réflexion historique.

[39] Voir en dernier lieu L. Bessone, Le conjure di Catilina, Padoue, 2004, 1re partie.

[40] Voir Cic. Cat. 1, 1[Cic.Cat.1,1] :

Quousque tandem, Catilina, abutere patientia nostra ?

Jusques à quand, Catilina, vas-tu abuser de notre patience ?

[41] Notamment H. M. Last, « Sallust and Caesar in the Bellum Catilinae »,inMélangesdephilology,deliteratureet d’histoireancienneofferts à J. Marouzeau par ses collègues et élèves étrangers, Paris, 1948, p. 355-369 ; cf. aussi G. Zecchini, Cesare e il mos maiorum, Stuttgart, F. Steiner, 2001, chap. V : « Cesare, Sallustio e il metus Parthicus ».

[42] Même si, non sans quelque incohérence, la critique moderne, quand il s’agit d’une question qui intéresse le genre historique à Rome, traite César comme un historien parmi d’autres. Citons par exemple, en dernier lieu, l’ouvrage – excellent au demeurant – de R. Utard, Le discours indirect chez les historiens latins : écriture ou oralité ? – Histoire d’un style,Paris-Louvain, Peeters, 2004.

[43] Voir notre mise au point dans P. M. Martin, César,La Guerre des Gaules, La Guerre civile, op. cit., p. 83-90.

[44] Dans notre étude « Salluste a-t-il voulu rivaliser avec César ? », in « Ubique amici » – Mélanges offerts à J. M. Lassere, Publications scientifiques de l’Université Paul-Valéry-Montpellier III, Montpellier, 2001, p. 389-402, où nous avons mis en relief l’imitation du Bellum Gallicum[Caes.Gal.] de César dans le Bellum Iugurthinum[Sal.Jug.] de Salluste pour les récits de bataille.

[45] Voir Ad Caes. 2, 1, 2[Sal.AdCaes.2,1,2] :

plerasque res fortuna ex libidine sua agitat.

la fortune règle la plupart des choses selon son caprice.

Voir aussi ad Caes. 1, 1, 1[Sal.AdCaes.1,1,1].

[46] Sur le thème popularis de la défense du tribunat de la plèbe, nous renvoyons aux ouvrages classiques de J. Bleicken, Das Volkstribunat der Klassischen Republik, Munich, C. H. Beck, 1955 et J. Martin, Die Popularen in der Geschichte der Späten Republik,Fribourg-en-Brisgau, thèse, 1965, notamment p. 115 et suiv. Sur la dignitas comme valeur politique, voir K. Raaflaub, Dignitatis contentio, Munich, C. H. Beck, 1974. Pour une synthèse récente sur l’utilisation des thèmes de l’inimicitia et de l’iniuria par César dans le Bellum ciuile[Caes.Civ],cf. Y. Benfehrat, « D’iniuria à lenitas dans le Bellum Ciuile de César », Vita Latina, 173, 2005, p. 11-25 ; P. M. Martin, « Inimici Caesaris », Vita Latina,173, 2005, p. 2-10.

[47] Ce qui pousserait d’ailleurs à adopter cette leçon plutôt que celle de la classe a.

 


 

Citer cet article : Paul Marius Martin, « Salluste ou la naissance de l’histoire à Rome », Interférences Ars Scribendi, numéro 4, mis en ligne le 21 juillet 2006, http://ars-scribendi.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=38&var_affichage=vf

 

 

 

 


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