Dans le Satiricon,
les seuls poètes à trouver grâce aux yeux d’Eumolpe sont Homère, les lyriques,
Virgile et Horace : Ceteri enim aut non uiderunt uiam qua iretur ad
carmen, aut uisam timuerunt calcare ([Petr.S.118,5]118, 5). Si les trois noms
propres sont ceux qu’on pouvait attendre, la présence des lyriques grecs ne
paraît pas s’imposer au même titre. Ils sont certes tenus en haute estime.
Lorsque Martial feint d’avoir dû descendre tous les degrés de la littérature avant
de se résigner à l’épigramme, il apparaît que le genre lyrique est le plus
élevé après l’épopée et la tragédie (ou à côté d’elles)[1]. Quintilien en préconise la lecture aussi bien pour
l’enfant que pour l’orateur ([Quint.Inst.1,8,6]1, 8,
6 ; [Quint.Inst.10,1,64]10, 1, 61-64), et il cite deux fois
Pindare ([Quint.Inst.8,6,71]8, 6, 71 ; [Quint.Inst.10,1,109]10, 1,
109). Pourtant, en-dehors de ce professionnel de la littérature[2], ils sont en général mentionnés collectivement et
on a quelque peine à croire qu’ils aient été sérieusement étudiés et connus à
Rome, au premier siècle de notre ère. On en vient à se demander si Calvisius
Sabinus, avec ses neuf esclaves connaissant par cœur les neuf lyriques, afin de
lui permettre de briller en société malgré sa mémoire défaillante, n’est pas
plus représentatif de son temps que ne le dit Sénèque ([Sen.Ép.27,5-8]Ép., 27,
vers 5-8)[3]. Stace fait sur ce point exception. On cherchera
ici à distinguer comment il se réfère aux lyriques et quel profit il a entendu
tirer des modèles qu’ils lui offraient dans la Thébaïde.
1. Le témoignage des Silves
Les Silves [Stat.Silv.]permettent
de poser trois questions qui fourniront une première approche : comment
Stace parle-t-il des lyriques grecs ? quel est son rapport avec celui qui
se veut l’introducteur du lyrisme à Rome, Horace, auquel il doit beaucoup
– mais qu’il ne nomme pas ? comment enfin présente-t-il le genre
lyrique dans les pièces où il le pratique lui-même, [Stat.Silv.4, 5]Silves 4, 5, en
strophes alcaïques, et [Stat.Silv.4,7]4,
7, en strophes saphiques ?
L’Epicedion in
patrem suum que Stace consacre à son père (nous l’appelons par commodité
Papinius), [Stat.Silv.5,3]Silves
5, 3, comporte des informations assez précises sur la vie et les activités de
ce grammaticus, professeur grec de poésie grecque à Naples, puis de
poésie latine à Rome. La pièce fournit une liste de douze poètes expliqués dans
son école napolitaine ([Stat.Silv.5,3,146-158]vers 146-158).
En tête, bien entendu, Homère, puis Hésiode – celui-ci associé à un poète
sicilien en qui on s’accorde à reconnaître Épicharme. Suivent cinq lyriques,
précédant Callimaque, puis trois poètes caractérisés par leur obscurité,
Lycophron, Solon et Corinne. On note, comme dans la liste d’Eumolpe, l’absence
des tragiques et des comiques. Quant à la place accordée aux lyriques, elle
mérite d’autant plus l’attention qu’elle comporte des noms rarement mentionnés
par les Latins. Le professeur enseigne :
[…] qua lege recurrat
Pindaricae uox flexa lyrae uolucrumque precator
Ibycus et tetricis Alcman cantatus Amyclis
Stesichorusque ferox saltusque ingressa uiriles
non formidata temeraria Chalcide Sappho, 155
quosque alios dignata chelys. ([Stat.Silv.5,3,151-156]Stace,
Silves 5, 3,
vers 151-156)
[...] la loi qui
régit le retour des souples rythmes de la lyre de Pindare, d’Ibyc