Ordo plebeius : approche d’un mythe politique

   

Paul-Marius Martin

 

Tout le monde connaît la définition du terme ordo donnée par J.-B. Mispoulet et reprise par J. Hellegouarc’h : « une classe spéciale de citoyens jouissant d’une situation juridique uniforme et ayant des droits et des devoirs distincts »[1]. La justesse de cette définition est indéniable, en ce qu’elle distingue ceux qui font partie d’un ordo de ceux qui n’en ont pas. C’est ainsi que Tacite, évoquant un différend qui opposa sous Néron la population de Pouzzoles à ses magistrats, appelle ceux-ci ordo – sans doute ordo decurionum – et le reste des Pouzzolans plebs[2]. Mais la définition de J.-B. Mispoulet achoppe à rendre compte du fait que le terme a permis très tôt de désigner des groupes « professionnels » qui ont été étudiés par B. Cohen[3] : ordo tribunorum aerariorum, ordo centurionum, ordo publicanorum, ordo decurionum, ordo Augustalium, ordo scribarum, ordo lictorum, ordo uiatorum et praeconum,etc.[4]. On rencontre même une fois un ordo tribunorum plebis[5], qui, à notre connaissance, est passé inaperçu de tous les commentateurs. Le terme peut finir par désigner simplement une catégorie de citoyens : ainsi Tite-Live emploie-t-il l’expression ordo libertorum[6], en l’opposant implicitement aux catégories des ingenui et des serui.

En fait, pour comprendre la double signification du mot ordo, il faut, comme souvent à Rome, se tourner vers les catégories indo-européennes. Dans un ouvrage récent, B. Sergent[7] vient opportunément nous rappeler que ce que nous appelons, du portugais casto : « pur », les castes en Inde, recouvre, encore aujourd’hui, deux réalités différentes : d’une part ce que le sanskrit désigne sous le nom de varna, et qui recouvre en gros ce que nous connaissons depuis G. Dumézil comme les catégories de l’idéologie indo-européenne[8] ; d’autre part, à côté des castes hiérarchisées des varna, les castes « professionnelles », appelées jati, qui reproduisent les tabous des varna (endogamie, tabous culinaires, etc.), chaque jati regroupant les membres liés par le même savoir-faire professionnel, qui se transmet secrètement à l’intérieur de la caste des charpentiers (ayogava), pêcheurs (nishada), etc., un peu comme dans des franc-maçonneries ou des compagnonnages. De même, à Rome, à côté des ordines politiques hérarchisés, nous avons vu qu’il existait des ordines « professionnels », parfois eux aussi hériarchisés d’ailleurs, comme l’ordo centuriorum, l’ordo tribunorum militarium – sortes de clubs d’officiers soigneusement distincts, et que nous voyons fonctionner au moins en une occasion. Avant la bataille du Métaure, quand l’armée de Claudius Nero vient se joindre à celle de Livius pour faire face à Hasdrubal, afin de ne pas alerter l’ennemi sur ce renfort décisif, il est décidé que chaque homme de l’armée de Livius partagera sa tente avec un soldat du même grade de l’armée de Nero[Liv.27,46,5][9] :

[...] ab sui quisque ordinis hominibus in tentoria abducti […].

[...] conduits chacun dans sa tente par des hommes de leur rang [...].

Comme l’a bien vu B. Cohen, les acceptions diverses du terme ordo permettent des amplifications oratoires, qu’on trouve essentiellement chez Cicéron où les expressions omnes ordines, cuncti ordines, ceteri ordines, désignent de manière politiquement irénique le consensus bonorum, ce regroupement de tout le peuple organisé – par opposition aux fauteurs de troubles et à leurs troupes d’émeutiers – autour des idéaux optimates de calme et d’ordre dans la cité[10]. On peut renvoyer, pour cette acception, par exemple, au célèbre passage du Pro Sestio, 138[Cic.Sest.138] :

haec qui […] defendunt, optimates sunt, cuiuscumque sunt ordinis.

ceux qui défendent [ces valeurs] sont des optimates, quel que soit leur ordre.

De là à penser que ces expressions pourraient englober l’ensemble de la plèbe, à côté des deux ordres régulièrement constitués – ordo senatorius, ordo equester –, il y a un pas que B. Cohen hésite à franchir[11], mais non J. Hellegouarc’h[12]. C’est ce dernier qui a raison, semble-t-il, car, si l’on définit, avec C. Nicolet, les ordines comme des divisions du peuple « reconnues par les censeurs »[13], on admettra que la division centuriate, si elle est avant tout un classement censitaire, n’en admet pas moins aussi en son sein des catégories « professionnelles », avec les centuries de fabri et de musiciens.

 

Pourtant, il est clair que la plèbe ne fut jamais un ordo à proprement parler. J.-C. Richard[14] fait remarquer qu’il n’existe à sa connaissance qu’une mention explicite désignant la plèbe comme un ordo, dans une notice tardive de Festus[Fest.422,L.s.v.sacrosanctum] :

Cuius generis (sacrosancti) sunt tribuni plebis aedilesque eiusdem ordinis ; quod adfirmat M. Cato in ea, quam scripsit, aedilis plebis sacrosanctos esse.

De cette sorte (sacrosaints) sont les tribuns de la plèbe et les édiles du même ordre ; ce qu’affirme M. Caton quand il écrit que les édiles de la plèbe sont sacrosaints.

Notre enquête n’a pas permis de faire apparaître d’autres mentions, à l’exception d’un ordo pedester, qui apparaît chez Tite-Live dans le contexte politico-militaire des débuts de la République – que nous venons d’étudier par ailleurs[Liv.5,7,7][15].

Cela dit, si la plèbe n’était pas un ordo, le sénat de l’époque républicaine, d’un strict point de vue juridique, ne l’était pas non plus. Si en effet l’ordo equester, comme l’a montré C. Nicolet, s’est bien structuré comme tel au iie siècle avant J.-C.[16], en revanche, stricto sensu, l’ordo senatorius n’a été constitué que sous Auguste[17]. Lorsque Cicéron parle de l’ordo senatorius, il désigne par cette expression – ou d’autres équivalentes : summus ordo, amplissimus ordo, noster ordo, hic ordo, ordo princeps – le sénat en corps ou des membres du sénat exclusivement, et non pas un « ordre sénatorial » à proprement parler[18]. Notons d’ailleurs l’ambiguïté des superlatifs summus, amplissimus qui, si on ne les prend pas absolument, sembleraient indiquer qu’à côté de l’ordo senatorius, Cicéron distingue au moins deux autres ordres ; mais cela fait partie du flou volontaire de son vocabulaire politique – que nous avons évoqué supra et sur lequel nous reviendrons. En tout cas, dans le Bellum civile, César n’emploie, de même, l’expression ordo senatorius que pour désigner les ou des sénateurs en titre, comme cela ressort nettement dès la première attestation : Misso ad uesperum senatu, omnes qui sunt eius ordinis a Pompeio euocantur[Caes.BC.1,3,1][19]. Seul Salluste, dans le Bellum Iugurthinum, semble bien l’employer dans le sens élargi qu’elle aura sous l’Empire, lors de la convocation par Metellus de son consilium[Sall.BJ.62,4][20] :

[...] Metellus propere cunctos senatorii ordinis ex hibernis arcessi iubet […]

[...] Metellus fait venir sans délai de leurs quartiers d’hiver tous les membres de l’ordre sénatorial […]

Mais cet emploi relâché n’est peut-être pas innocent chez Salluste, compte tenu de la manière dont – nous allons le voir – il utilise le terme ordo.

Les auteurs d’époque impériale, en revanche, emploient bien l’expression ordo senatorius pour désigner, non seulement les sénateurs, mais en général tous ceux qui ont accès au cens sénatorial, au point que l’expression uterque ordo rassemble conjointement les deux seuls ordres juridiquement constitués[21]. De même, Tacite, évoquant la crainte qui saisit Rome au début du conflit entre Othon et Vitellius, déclare :

Nullus ordo metu aut periculo uacuus,

Aucun ordre qui ne fut exposé à la crainte ou au péril,

en précisant bien qu’il s’agit des primores senatus et de la nobilitas d’une part, de eques d’autre part[Tac.H.1,88,2][22] ; le peuple, quant à lui – uolgus[…] et populus –, a d’autres préoccupations, accablé qu’il est par la rareté des vivres et leur cherté[23]. Les deux ordres sont donc bien distingués de la plèbe.

Cependant Tite-Live, sous Auguste justement, nous paraît, par ses hésitations, marquer le passage d’une époque à l’autre, d’une conception à l’autre. Lorsqu’il évoque l’élan unanime qui pousse, en 210 avant J.-C., les Romains à sacrifier leurs richesses pour faire face au péril hannibalique, il déclare[Liv.26,36,12] :

Hunc consensum senatus equester ordo est secutus, equestris ordinis plebs[24]

Ce geste unanime du sénat fut suivi par l’ordre équestre, celui de l’ordre équestre par la plèbe.

Il distingue bien senatus, equester ordo, plebs, comme à l’époque républicaine, et il semble donc indiquer que ni senatus ni plebs ne sont en effet à cette époque des ordines. Cependant, quand il évoque le débat sur le commandement de Marcellus l’année suivante, il déclare[Liv.27,21,1] :

Actum de imperio Marcelli in circo Flaminio est ingenti concursu plebisque et omnium ordinum.

Le débat sur le commandement de Marcellus eut lieu au cirque Flaminius, dans un immense rassemblement à la fois de la plèbe et de tous les ordres. »[25]

Là, il distingue la plèbe de « tous les ordres », c’est-à-dire, en réalité, aux deux ordres constitués sous Auguste. La même expression – omnes ordines – lui sert aussi à vanter le patriotisme de « tous les ordres », lors de la première attestation historique que nous ayons de l’activité des publicani, lesquels font partie, comme on le sait, de l’ordre équestre[26]. On voit que, de nouveau, il ne parle ici que de l’ordre sénatorial et de l’ordre équestre.

Il est un cas qui me paraît, par son ambiguïté, illustrer de manière encore plus nette le passage entre les deux sens, républicain et impérial, de l’expression ordo senatorius. Parlant de la réforme des tribunaux par César, Suétone déclare[Suet.Caes.41,4][27] :

Iudicia ad duo genera iudicum redegit, equestris ordinis ac senatorii ; tribunos aerarios, quod erat tertium, sustulit.

Pour la justice, il ne conserva que deux catégories de juges, ceux de l’ordre équestre et ceux de l’ordre sénatorial, mais supprima la troisième, celle des tribuns du trésor.

Cette troisième catégorie de juges avait été introduite en 71 avant J.-C. par le préteur Aurelius Cotta ; il s’agissait évidemment de plébéiens, mais les tribuns du trésor étaient considérés par Cicéron comme un groupe méritant le nom d’ordo[28] et Asconius les traite bien ainsi, semblant même assimiler leur ordo aux deux autres[29] – ce que se garde bien de faire Suétone, qui les désigne par l’expression genus iudicum. C’est donc ce genus iudicum qui fera les frais de la réforme césarienne. Mais qui en sont les bénéficiaires ? L’ordre équestre assurément, au sein desquels sera choisie une partie des membres des jurys ; mais où sera recruté le reste ? Dans l’ordo senatorius, dit Suétone. Faut-il entendre qu’ils seront choisis exclusivement parmi les sénateurs en titre, selon l’acception républicaine de l’expression ? C’est ce qu’incite à penser le bouleutai par lequel Dion Cassius la traduit[30]. Ou bien le groupe equestris ordinis ac senatorii a-t-il déjà son sens de l’époque impériale ? C’est ce que porte à croire l’expression par lequel l’auteur des Lettres à César appelle de ses vœux cette réforme, en demandant que les tribunaux soient désormais confiés à « tous les membres de la première classe »[31], autrement dit à ceux qui, sous l’Empire, ont le cens sénatorial ou équestre, en excluant la troisième catégorie de juges. Si l’auteur des Lettres à César est un rhéteur d’époque impériale, rien d’étonnant à ce qu’il utilise l’expression dans le sens qu’elle a pris à l’époque impériale ; mais si, comme nous le pensons, il s’agit bien de Salluste[32], cela implique que, dès la fin de l’époque républicaine, on tendait – ou du moins certains milieux tendaient à admettre déjà l’existence des deux ordres supérieurs, avec, en face, la plèbe, d’une manière dichotomique qui correspond bien à la vision politique de la cité qu’avaient les populares.

Et certes le même Cicéron qui, par l’expression ordo senatorius, ne désigne que les membres effectifs du sénat, utilise quelquefois l’expression concordia ordinum pour désigner, vers le début de sa carrière, et notamment à l’époque de son consulat, l’union du sénat et de la classe équestre[33]. Mais, très rapidement, comme l’a montré G. Achard, cette concordia ordinum va se dissoudre dans un chimérique autant que nébuleux consensus bonorum ou omnium bonorum [34].

 

On rencontre cependant chez lui quelques passages où il est permis de se demander si, par ordines, il n’entend pas, non seulement ce qu’on considérait déjà de son temps (sinon juridiquement, du moins sémantiquement) comme « les deux ordres » (sénat et ordre équestre), mais également la plèbe, ou du moins une partie de celle-ci, en l’englobant dans cet ensemble consensuel qu’il feint de considérer comme existant pour le faire exister. Ce sont ces textes que nous voulons verser au dossier. Ils sont au nombre de trois :

1) Dès la Quatrième Catilinaire, après avoir souligné le consensus ordinum enfin réalisé entre sénat et chevaliers, il ajoute[Cic.Cat.4, 15-16][35] :

Pari studio defendendae reipublicae conuenisse uideo tribunos aerarios […], scribas item uniuersos […] Omnis ingenuorum adest multitudo, etiam tenuissimorum.

C’est un même souci de défendre la République qui a conduit ici, je le vois, les tribuns du tréso r[…] et avec eux l’ensemble des secrétaires […] Voici toute la foule des hommes libres, si mince que soit leur condition.

Or, nous savons que tribuns du trésor et scribes étaient organisés en ordo ; par une sorte d’extension du terme, en le faisant glisser de sa valeur juridique à sa valeur sociologique – ou, si l’on ose dire par approximation, des varna aux jati –, Cicéron, de proche en proche, agglutine aux deux ordres « supérieurs », dont il vient de souligner la concorde enfin réalisée, une plèbe dont une partie est déjà organisée en ordines, à laquelle il adjoint la foule des ingenui[36]. Du coup, lorsqu’un peu plus loin, il déclare :

Omnes ordines ad conseruandam rempublicam […] consentiunt

Tous les ordres sont unanimes à défendre la République […]

On pourrait croire qu’il englobe la plèbe dans ce omnes ordines, s’il n’ajoutait peu après[Cic.Cat.4,18-19][37] :

Habetis omnis ordines, omnis homines, uniuersum populum Romanum […]

Vous disposez de tous les ordres, de tous les citoyens, de l’ensemble du peuple romain […]

en brouillant toutes les catégories dans un vague unanimisme.

2) Le second texte que nous examinerons est un passage du Pro Sestio, qui évoque, comme un parallèle à son propre cas, la manière dont Q. Metellus Numidicus, pour avoir refusé de prêter serment à une loi qu’il jugeait scélérate de Saturninus, fut contraint à l’exil en 100 avant J.-C.[Cic.Sest.37][38] :

Cuius causam etsi omnes boni probabant, tamen neque senatus publice, neque ullus ordo proprie neque suis decretis Italia cuncta susceperat.

La cause de celui-ci, bien qu’approuvée par tous les honnêtes gens, ni le sénat ne l’avait soutenue par un acte officiel, ni aucun ordre avec ses moyens appropriés, ni l’Italie entière par ses motions.

Le texte illustre la distance qui, déjà, aurait séparé alors une opinion publique, qu’il estime favorable au personnage, des instances officielles dûment constituées, qui ne mirent pas en œuvre les moyens légaux qu’elles avaient à leur disposition pour sauver celui-ci : senatusconsulte (c’est sans doute ce qui est recouvert par le terme publice) pour le sénat, motions des cités alliées pour une Italie qui n’était pas encore romaine. La phrase – notons-le – fait suite au passage où Cicéron évoque la manière dont il a préféré s’exiler malgré[Cic.Sest.36][39]

tanto studio senatus, consensu tam incredibili bonorum omnium, tam parato […] tota denique Italia ad omnem contentionem expedita [...]

[…] la sympathie si vive du sénat, malgré l’extraordinaire unanimité des honnêtes gens, malgré les dispositions si décidées de […] et malgré l’Italie tout entière prête à toutes les luttes […]

Les éditeurs ont décelé, à juste titre, une lacune entre parato et tota, mais la manière dont ils proposent de la combler trahit leur embarras : populo pour T. Mommsen, equestri ordine pour Kayser[40]. Cette malencontreuse lacune fait que ce passage ne nous éclaire pas sur la suite. On pourrait tout aussi bien supposer – et ce sera ma suggestion – eu égard à cette suite justement, la chute d’un omni ordine, qui rendrait les deux passages parallèles. En tout cas, dans le groupe neque ullus ordo proprie, le sens de proprie est clair : il signifie que chaque ordre aurait pu agir « avec ses moyens appropriés »[41]. Si, comme le texte nous y conduit, il faut chercher derrière ce neque ullus ordo un véritable pluriel, force est d’admettre que Cicéron ne pense pas seulement ici à l’ordo equester, mais aussi aux autres ordines, ceux des tribuni aerarii, des scribae, des publicani, etc., dont chacun disposait, pour faire pression, de moyens spécifiques. Nous avons donc ici un exemple manifeste où ordo désigne, outre les chevaliers, une partie au moins de la plèbe, celle qui est organisée en ordines socioprofessionnels.

3) Du coup, lorsque, dans la Sixième Philippique – la seconde, et dernière (conservée du moins) qu’il adressa au peuple – Cicéron s’écrie, après avoir félicité le peuple de sa détermination contre Antoine[Cic.Phil.6,18][42] :

Idem uolunt omnes ordines, eodem incumbunt municipia, coloniae, cuncta Italia. Itaque senatum […] firmiorem uestra auctoritate fecistis.

Telle est aussi la volonté de tous les ordres ; tel est le but auquel tendent les municipes, les colonies, l’Italie entière. Aussi le sénat […] a-t-il été raffermi par votre autorité.

Il est manifeste que, par omnes ordines, Cicéron ne désigne ni les deux ordres supérieurs, puisque le sénat est traité à part comme bénéficiaire de l’appui des ordres, ni évidemment le seul ordre équestre. En fait, il distingue la communauté des citoyens par des « coupes » différentes : coupe géographique (Rome et cuncta Italia), coupe historico-juridique (municipes et colonies), coupe sociojuridique. C’est cette dernière coupe qu’exprime omnes ordines, qui regroupe l’ordo equester et tous les plébéiens organisés en ordines, à qui il attribue une auctoritas ordinairement réservée au sénat.

Il est remarquable qu’à l’exception de la Quatrième Catilinaire – mais on sait le retentissement populaire qu’elle a eu – tous les textes de Cicéron que nous avons examinés se trouvent dans des discours tenus devant le peuple : contio ou procès public. Tout se passe comme si Cicéron cherchait à flatter la plèbe, du moins la part de celle-ci qui pouvait être sensible à la coloration politique de son discours, celle qu’il appelle, dans une lettre à son frère le populus contionarius, en l’associant à la nobilitas et au sénat dans une hostilité commune à Pompée[43]. Non qu’il considère la plèbe comme un ordo à proprement parler, mais plutôt comme un ensemble d’ordines, auquel il adjoint l’ordo equester, séparé du sénat. La chose mérite d’autant plus d’être soulignée que communément – nous l’avons rappelé supra – on considère que Cicéron met plutôt en avant une concordia ordinum unissant le sénat aux chevaliers – avant un élargissement rapide au consensus bonorum ; et cela est vrai des discours optimates étudiés par G. Achard. Mais on voit que, dans les discours à la plèbe, il a tendance parfois à « ranger » l’ordre des chevaliers avec les ordres socioprofessionnels plébéiens. Manière évidemment de flatter la plèbe « éclairée » qui écoutait ses discours. En somme, selon la nature de son auditoire, il tend à ranger l’ordre équestre, tantôt avec le sénat, tantôt avec la plèbe « organisée ».

 

Cela ne signifie pas pour autant que la plèbe en tant que telle était pensée sociologiquement comme un ordo spécifique, « à part entière », à l’époque de Cicéron. Ce qui ressort de notre enquête, c’est que sans doute déjà une part d’elle-même était vue comme constituée d’ordines organisés, qui constituaient une force politique véritable, disciplinée, avec laquelle il fallait compter. Il existe en effet un texte, non écrit par Cicéron, qui confirme – de l’extérieur en quelque sorte – la validité de notre conclusion tirée des discours de Cicéron à la plèbe. Il s’agit d’un extrait d’une lettre envoyée début 48 avant J.-C. à Cicéron, parti rejoindre Pompée, par M. Caelius Rufus, celui-là même que Cicéron avait quelques années plus tôt tiré des griffes de sa redoutable ex-maîtresse, la sulfureuse Clodia. Celui qu’il appelait alors l’« espoir de la République », non seulement avait rejoint le camp de César au début de la guerre civile, mais en outre, par dépit de ne pas être reconnu à ce qu’il estimait être sa juste valeur, il s’était révélé un dangereux trublion démagogique, partisan de l’abolition pure et simple des dettes, au point que César dut sévir contre lui, avant qu’il ne termine piteusement une vie sans gloire. C’est au moment de sa rupture avec César qu’il écrit à Cicéron une lettre délirante, paranoïaque, d’où nous extrayons le passage suivant[Cic.Fam.8,17,2][44] :

Nam hic nunc praeter faeneratores paucos nec homo nec ordo quisquam est nisi Pompeianus. Equidem iam effeci ut maxime plebs et, qui antea noster fuit, populus uester est.

Car ici, excepté une poignée d’usuriers, il ne reste plus un homme ni un ordre qui ne soit pompéien. Pour ma part, j’ai réussi à faire que la plèbe principalement, et même le peuple, qui auparavant était de notre côté, fût du vôtre.

Caelius se vante donc d’avoir rallié à Pompée, non seulement une plèbe misérable, sensible à sa rogatio d’abolition des dettes, mais le populus – on notera la distinction – qu’il faut sans doute identifier avec nec ordo quisquam, tandis que nec homo renvoie à cette masse informe d’individus que Cicéron appelle, surtout en privé, l’infima plebs ou les infimi[45], et, ironiquement, s’agissant des affranchis, l’infimus ordo[46].

On voit que, contrairement à ce qu’on pense généralement, la distinction cicéronienne entre un populus composé de boni et une plebs à l’oreille complaisante à toutes les démagogies n’est pas seulement affaire de rhétorique politique : elle semble recouvrir sociologiquement une distinction véritable entre une partie de la plèbe, organisée en ordines socioprofessionnels « conscients et organisés », si l’on peut dire, et la masse plébéienne composite, au comportement imprévisible. Cette analyse sociopolitique semble donc avoir été largement répandue dans les milieux politiques à la fin de la République.

 

Il est pourtant une époque où, de manière simpliste, la réalité sociopolitique romaine était vue comme l’affrontement de deux blocs opposés : ce sont les débuts de la République, marqués par l’affrontement patricio-plébéien, entre un sénat refermé sur la classe patricienne et une plèbe qui tentait d’acquérir des droits politiques[47]. L’opposition patres-plebs revient sans cesse aussi bien dans les premiers livres de Tite-Live que chez Cicéron ou Salluste quand ils évoquent la période royale, où ce conflit était jugé latent, et les débuts de la République, où il s’exacerba[48]. Tous les débuts de l’histoire de Rome étaient donc vus comme marqués par un affrontement entre plèbe et patriciat. Cet affrontement, Tite-Live le désigne couramment par des expressions comme discordia ou certamina ordinum, et par concordia ordinum les moments de rémission dans cette lutte[49]. Pourtant, si, par anticipation, il donne souvent au sénat, ou au bloc des patres, voire des patricii, le nom ou la qualité d’ordo[50], il ne considère évidemment pas que la plèbe constitue un ordo. Ces expressions sont donc, semble-t-il, à prendre de manière vague et extensive, comme une « façon de parler ».

Mais cette « façon de parler » correspond à la manière dont les Romains appréhendaient leur passé, placé selon la tradition sous le signe d’un dualisme patricio-plébéien qui devint dès la chute de la royauté – peut-être même avant – un long affrontement d’au moins un siècle et demi. Que cela corresponde à une certaine réalité historique, nul n’en doute plus depuis les travaux de J.-C. Richard. Mais il est non moins évident que la manière dont les historiens anciens, à commencer par Tite-Live, avaient reconstitué cet affrontement, empruntait beaucoup, dans le vocabulaire comme dans l’idéologie, aux luttes récentes qui avaient opposé, dans le dernier siècle de la République, les deux grands courants politiques nés de la rupture du consensus républicain : optimates et populares. Tout le dernier siècle de la République est vu comme une sorte de rechute des luttes du début de la République, avec, de nouveau, une opposition frontale entre populus ou plebs d’un côté, senatus ou nobilitas de l’autre[51].

Nous nous proposons de montrer ailleurs[52] comment les discours placés notamment par Tite-Live dans la bouche des tribuns de la plèbe des deux premiers siècles de la République empruntent thèmes et vocabulaire à l’éloquence popularis[53]. Cet anachronisme involontaire était facilité par le sentiment, historiquement faux, mais idéologiquement juste, que les affrontements entre populares et optimates prolongeaient dans le droit fil les luttes d’antan menées par la plèbe contre le patriciat[54]. Cette opinion est exprimée à plusieurs reprises par Salluste, qui est là d’une parfaite « orthodoxie » popularis[Sall.adCaes.2,5,1][55] :

In duas partes ego ciuitatem diuisam arbitror in patres et plebem sicut a maioribus accepi, dit-il dans la deuxième Lettre à César.

Je crois, comme je le tiens de nos ancêtres, que l’État est divisé en deux groupes : les patriciens et la plèbe.

Il fait le même constat d’affrontement contemporain dans l’excursus sur l’état de la République du Bellum Iugurthinum[Sall.BJ.41,5-6][56] :

Namque coepere nobilitas dignitatem, populus libertatem in lubidinem uortere […]. Ita omnia in duas partis abstracta sunt […]. Ceterum nobilitas factione magis pollebat ; plebis uis soluta atque dispersa in multitudine minus poterat.

La noblesse et le peuple mirent au service de leurs passions, l’une ses pouvoirs, l’autre sa liberté […]. Ainsi tout devint une proie que se disputèrent les deux partis […]. Du reste, l’esprit de corps qui régnait dans la noblesse lui assurait l’avantage ; la plèbe, désunie et dispersée, était plus faible.

Et à chaque fois que sont évoquées les luttes entre ce qu’il appelle nobilitas d’une part et populus ou plebs d’autre part, le renvoi aux luttes initiales entre patres et plebs revient immanquablement[57].

Du coup, les tribuns de la plèbe des débuts de la République sont vus comme de « grands ancêtres » et les plébéiens d’antan comme les maiores des plébéiens d’aujourd’hui. Ayant étudié ailleurs ce terme de maiores appliqué aux plébéiens de jadis, qui revient à plusieurs reprises dans l’éloquence popularis[58], nous ne reviendrons pas sur lui, sinon pour souligner qu’il n’est pas indifférent, politiquement et sociologiquement, de se donner ainsi des ancêtres quand on est Romain : cela revient à revendiquer que le groupe auquel on appartient soit structuré, organisé, non seulement horizontalement dans la contemporanéité, mais aussi verticalement dans le temps, qu’il a une « conscience d’ordre ». Marius peut se vanter, à titre individuel, de n’avoir pas d’ancêtres, en tant qu’homo nouus[59] ; la plèbe, elle – affirment les populares – possède des ancêtres collectifs.

Dès lors, on ne s’étonnera pas que, par deux fois, Salluste parle clairement de la plèbe comme d’un ordo.

1) Dans le Bellum Iugurthinum d’abord : quelques lignes après avoir évoqué devant les plébéiens maiores uestri – expression dont nous venons de parler –, le tribun Memmius dresse la liste des « tribuns martyrs » tombés récemment, en commençant par Ti. Gracchus, puis il ajoute[Sall.BJ.31,6-7][60] :

Post C. Gracchi et M. Fului caedem, item uestri ordinis multi mortales in carcere necati sunt.

Après le meurtre de C. Gracchus et de M. Fulvius, beaucoup d’hommes de votre ordre furent de même égorgés en prison.

Allusion évidente à tous les partisans des Gracques et de M. Fulvius qui se firent massacrer en même temps que leur leader ou dans l’épuration qui suivit.

2) Le second texte est tout aussi net : il s’agit d’un passage de la seconde Lettre à César, qui nous ramène à un point déjà évoqué : la constitution des tribunaux. Rappellant la restauration post-syllanienne de l’institution judiciaire par Pompée, Salluste déclare[Sall.adCaes.2,3,3][61] :

Ludicia tametsi, sicut antea, tribus ordinibus tradita sunt, tamen idem illi factiosi regunt […].

Les tribunaux, sans doute, ont été confiés aux trois ordres, comme auparavant ; mais c’est toujours la même faction qui gouverne […].

Même si l’on sait qu’en réalité, le troisième ordo n’est que celui des tribuni aerarii, l’expression sallustéenne considère bel et bien qu’il existe à Rome trois ordres : sénatorial, équestre et plébéien. Le passage est d’autant plus remarquable qu’immédiatement avant, Salluste restait fidèle à sa vision dialectique de la politique[62]. On voit donc que, contrairement à ce que pense J.-C. Richard, la notice de Festus n’est pas l’unique attestation que nous ayons d’un ordo plebeius.

 

La question qui se pose à présent est la suivante : s’agit-il d’un fantasme sallustéen ou existe-t-il d’autres textes de l’époque républicaine qui, explicitement ou implicitement, tendent à assimiler la plèbe à un ordo ? D’ores et déjà, si nous nous souvenons de l’utilisation que fait Cicéron du terme ordo dans ses discours, nous pouvons répondre par l’affirmative. Mais Cicéron le faisait pour flatter la plèbe. La question est : cette flatterie touchait-elle chez son public populaire un point sensible ? De nouveau, la réponse est : oui.

Il existe en effet un texte qui conserve un précieux témoignage de l’idéologie popularis, grâce auquel d’ailleurs on peut confirmer qu’aussi bien Salluste que Tite-Live, quand ils font parler des tribuns de la plèbe contemporains ou d’antan, reflètent bien les termes et les thèmes de cette idéologie : ce texte, c’est la Rhétorique à Herennius – véritable mine d’exempla dont bon nombre sont certainement empruntés à l’éloquence contemporaine de l’auteur, qui écrivit son traité entre 86 et 82 avant J.-C.[63]. Deux exempla font état de manière plus ou moins explicite à un ordo plebeius.

1) Le premier concerne la laudatio, cet élément du discours où l’on vante les mérites d’un personnage ou de son action : envisageant les différentes catégories de personnes qui approuveraient volontiers ces éloges, il commence, de manière minimaliste, par « les gens compétents » (idoneis hominibus), pour continuer par « certains alliés, tous les citoyens, les nations étrangères, la postérité ». Or, dit-il, il faut n’évoquer que les « gens compétents » dans un cas bien particulier[Her.3,7][64] :

[...] ut si res honestiori ordini placeat, quae a deteriore ordine inprobetur.

[...] au cas où une action plairait à un ordre plus honorable de citoyens et déplairait à un ordre inférieur.

L’expression est étrange et fait dire à G. Achard : « Voilà une remarque qui convient mieux à un bonus ciuis qu’à un popularis[65]. » C’est méconnaître que, si honestus est évidemment laudatif, deterior n’est pas forcément dépréciatif et peut indiquer simplement un état inférieur par rapport à un autre[66]. Qui est désigné par cet adjectif ? L’ordre équestre ? Dans cette hypothèse, le texte ferait allusion aux cas où les intérêts ou les principes du sénat divergent d’avec ceux des chevaliers. La chose est possible, mais il faut admettre alors que honestiori ordini renvoie au sénat, lequel n’est pas – comme nous l’avons rappelé précédemment – encore constitué en ordo juridiquement. Mais il existe une autre hypothèse : c’est que deterior ordo désigne la plèbe, par opposition à la nobilitas en général, qui, elle, est l’honestior ordo. Cette dualité est beaucoup plus conforme à l’idéologie et au vocabulaire dialectiques des populares. Certes, le texte parle un peu plus loin de omnibus ciuibus, mais ceux-ci, venant après quibus sociis et avant exteris nationibus rappelle la vague unanimité chère aux discours consensuels de Cicéron et n’a sans doute pas plus de valeur propre ici que chez lui. Le cas ici envisagé serait donc celui où il serait difficile de faire l’éloge de quelqu’un sans indisposer l’une des deux composantes conflictuelles de la cité : en ce cas, l’auteur conseille de réduire l’éloge au champ d’appréciation des « personnes compétentes », de manière à désamorcer toute polémique politique en restant sur le terrain le plus technique possible.

2) L’autre exemple, bien qu’assez long, mérite d’être cité intégralement. L’auteur illustre la distributio, au sens du grec diairésis ou mérismos, par ce premier exemple[Her.4,47][67] :

Qui uestrum, iudices, nomen senatus diligit, hunc oderit necesse est ; petulantissime enim semper iste obpugnauit senatum. Qui equestrem locum splendidissimum cupit esse in ciuitate, is oportet istum maximas poenas dedisse uelit, ne iste sua turpitudine ordini honestissimo maculae atque dedecori sit. Qui parentis habetis, ostendite istius supplicio uobis homines impios non placere. Quibus liberi sunt, statuite exemplum quantae poenae sint in ciuitate hominibus istiusmodi conparatae.

Ceux d’entre vous, juges, qui affectionnent le sénat doivent haïr cet homme : en effet il a toujours lutté avec la plus grande insolence contre le sénat. Ceux qui désirent que l’ordre équestre brille d’un très vif éclat dans la cité doivent souhaiter que l’accusé soit puni le plus sévèrement possible pour que sa turpitude ne soit pas une tache et une honte pour un ordre fort honorable. Vous qui avez des parents, prouvez, en châtiant cet individu, que vous n’aimez pas les gens qui ne respectent pas leurs devoirs ; vous qui avez des enfants, faites un exemple qui montrera la dureté des peines réservées dans notre cité à des personnages de cette espèce.

On retrouve d’abord la distinction républicaine classique entre senatus et ordo equester ; mais qui est désigné par les expressions Qui parentis habetis et Quibus liberi sunt ? On pourrait penser qu’il s’agit d’un simple élargissement à l’ensemble des citoyens. Mais, en ce cas, l’exemple serait défectueux, puisque la distributio, telle que la définissent Cicéron et Quintilien, consiste à répartir sur des catégories différentes des arguments différents[68]. En ce cas, les deux dernières catégories envisagées, non seulement se recouvrent l’une l’autre passablement – avoir à la fois des parents et des enfants est, dans la tranche d’âge adulte, fort banal –, mais englobent également les deux premières, sénateurs et membres de l’ordre équestre ayant de fortes chances de se retrouver dans l’une des deux dernières catégories, ou dans les deux. Nous formulerons donc une autre hypothèse, qui permet de rendre toute sa valeur à l’exemple proposé : elle consiste à admettre que les deux dernières catégories, en réalité, n’en font qu’une et que celle-ci est distincte des deux premières. Ce qui est en effet blâmable chez l’accusé est différent selon les catégories envisagées : il a toujours été ennemi du sénat, il fait honte à l’ordre équestre – ce qui laisse penser qu’il en fait partie – et c’est un homme impius, « qui ne respecte pas ses devoirs », traduit joliment G. Achard. Dire in fine de lui qu’il fait partie des hominibus istiusmodi n’apporte strictement rien, aucun grief nouveau. En revanche, pius et son contraire impius renvoient à la sphère des devoirs familiaux : envers ses parents et ses enfants. Il s’agit donc bien de la même catégorie et il n’y a donc bien que trois catégories distinguées. Les deux premières ne se caractérisent pas par leur foyer familial : elles ont des ancêtres, des maiores et ce sont eux qui comptent. En revanche, l’horizon des générations, pour le plébéien ignobilis, est limité à ses ascendants directs et à ses enfants. Que ceux-ci soient même parfois sa seule richesse est suffisamment indiqué par le terme de proletarius qui désigne les plus féconds d’entre eux. Notre conclusion est donc que ce sont les plébéiens qui sont ici visés comme troisième catégorie, après senatus et ordo equester.

 

À l’issue de notre enquête, nous pouvons donc conclure que, si la notion d’ordo plebeius n’a eu aucune réalité juridique – ou plus exactement si elle n’a jamais réussi à en avoir une – elle avait, dans le dernier siècle de la République, une réalité politique, qui se traduisait aux niveaux sémantique et lexicologique par l’assimilation de la plèbe à un ordo. Cet ordo ne revendiquait que la dernière place face aux deux autres, constitué pour l’un, en voie de constitution pour l’autre, mais il revendiquait le droit politique d’exister. Cet effort resta vain du fait du naufrage de la République, de sa conception de la liberté civique, mais aussi, quoi qu’on en ait dit, de bon nombre de ses institutions : car ce sont les institutions populaires – comices, conciles plébéiens, etc. – que le nouveau régime laissa s’étioler jusqu’à leur disparition.

Le paradoxe est que, parallèlement, cette division tripartite des ordres, au moment où elle perdra toute signification politique, deviendra sous l’Empire une réalité sociologique. La preuve en est qu’on la trouve même dans des textes dépourvus de tout contenu historique ou politique, comme les élégiaques. Ainsi Properce, voulant dire que tout le monde va inéluctablement vers la mort, écrit : Sed tamen hoc omnes, huc primus et ultimus ordo[Prop.3.18,21][69], mêlant en un raccourci saisissant l’ordre sénatorial au dernier, celui des plébéiens, tous égaux devant la camarde. De même, Ovide salue-t-il l’unanimité qui a conféré à Auguste le titre de Pater patriae[Ov.F.2,127-128][70] :

Sancte pater patriae, tibi plebs, tibi curia nomen

Hoc dedit ; hoc dedimus nos tibi nomen, eques.

Vénérable père de la patrie, ce nom tu l’as reçu du peuple, du sénat ; tu as reçu ce nom de nous aussi, les chevaliers.

Ou bien, évoquant l’arrivée de la Grande Mère à Rome, il décrit ainsi anachroniquement la foule qui accueille la déesse à l’embouchure du Tibre[Ov.F.4,293][71] :

Omnis eques mixtaque grauis cum plebe senatus […].

Tout l’ordre équestre et le majestueux sénat, entourés du peuple […].

Valère Maxime parle lui aussi des[Val.Max.2,7,7][72]

XII fasces penes quos senatus et equestris ordinis et uniuersae plebis summum decus erat.

les douze faisceaux, tellement en honneur auprès du sénat, de l’ordre équestre et de la plèbe tout entière.

Écoutons encore Martial[Mart.4,2,3][73] :

cum plebs et minor ordo maximusque […]

quand la plèbe, l’ordre intermédiaire et l’ordre suprême […]

qui, remontant l’échelle des ordres, cite d’abord la plèbe, puis l’ordre équestre, qualifié de minor par rapport à l’ordre sénatorial dont le superlatif qui le désigne, maximus, montre bien que nous avons affaire à trois ordres. De même enfin Stace montre tous les ordres mêlés à la même table[Stat.Silv.1,6,43-44][74] :

Vna uescitur omnis ordo mensa, / parui femina plebs eques senatus,

On se repaît à la même table, tous ordres confondus, enfants, femmes, plèbe, chevaliers, sénateurs,

en un vers où les juxtapositions mêlent âges, sexes et ordres – trois ordres, dont la plèbe.

À vrai dire, la disparition de toute vie politique sous l’Empire rende ces exemples intéressants sociologiquement, mais sans plus. À l’évidence, la tentative oblique de l’idéologie popularis à ériger la plèbe en ordo est restée confinée à une utilisation rhétorique, sans réussir à déboucher sur une quelconque reconnaissance juridique. Mais le matois Cicéron savait bien qu’en faisant comme si la plèbe était organisée en ordo, il caressait celle-ci « dans le sens du poil » et qu’il pouvait ainsi espérer attirer pour sa cause la sympathie des plébéiens.



[1] J.-B. Mispoulet, Les Institutions politiques des Romains, t. II, Paris, 1883, p. 10 ; J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin des classes et des partis politiques sous la République, Paris, 1963, p. 428.

[2] Tac. Ann.,13,48,1[Tac.Ann.13,48,1].

[3] B. Cohen, The Roman Ordines in the Republican Period, université de Tel-Aviv, 1972 (en hébreu, avec résumé en français) ; id., « La notion d’ordo dans la Rome antique », in BAGB, 1975, p. 259-282 ; id., « Some neglected ordines : the apparitorial Status Groups », in Des Ordres à Rome (dir. C. Nicolet), Paris, 1984, p. 24-60. Voir aussi M. I. Finley, The Ancient Economy, Londres, 1973, p. 45 ; C. Nicolet, L’ordre équestre à l’époque républicaine, t. I, Paris, 1966, notamment p. 175 ; B. Kübler, in RE, 18, 1, s.v. Ordo, p. 930-934.

[4] On trouvera les principales références à ces ordines chez B. Cohen, « Some neglected ordines… », p. 24, notes 5 et 6. Il faut y ajouter, pour l’ordo decurionum, CIL, 10, 1783[CIL.10, =1783].

[5] Liv. 25, 3, 19[Liv.25,3,19].

    [6] Liv. 42, 27, 3[Liv.42,27,3] ; Liv. 43, 12, 9[Liv.43,12,9] ; Gell. 5, 19, 2[Gell.5,19,2]. Voir Cic. Cat. 4, 16[Cic.Cat.4,16]. Voir TLL. 961, 23-24.

[7] B. Sergent, Genèse de l’Inde, Paris, 1997.

[8] Les trois premières varna – brahmanes, kshatriya (guerriers) et vaishya (plèbe agricole) – recouvrent exactement les trois catégories duméziliennes ; mais s’y ajoutent la caste des shudra (serviteurs, qu’on serait tenté d’appeler serui) et les « hors-castes », autrement dit les « intouchables » (par les quatre varna), ceux qui n’appartiennent à aucune varna.

[9] Liv., 27, 46, 5[Liv.27,46,5].

[10] B. Cohen, « Some neglected ordines… », p. 23 ; références en note 3. Sur « l’art du regroupement » cicéronien, nous renvoyons aux excellentes analyses de G. Achard, Pratique rhétorique et idéologie politique dans les discours optimates de Cicéron, Leyde, 1981, p. 35-109.

[11] B. Cohen, op. cit., p. 24.

[12] J. Hellegouarc’h, op. cit., p. 506 : « Les expressions […] impliquent une généralisation du terme et son application à la plèbe. »

[13] C. Nicolet, L’ordre équestre…, 166 (en citant Cic. Flacc. 15[Cic.Flacc.15] ; Rép. 4, 2[Cic.Rep.4,2] ; Leg. 3, 7 et 44[Cic.Leg.3,7et44]) ; voir J. Béranger, « Ordres et classes d’après Cicéron », in Recherches sur les structures sociales dans l’Antiquité classique, Paris, 1970, p. 225-242.

[14] J.-C. Richard, Les origines de la plèbe romaine. Essai sur le dualisme patricio-plébéien, Rome, 1978, p. 598, note 7, qui se fonde sur Liv. 3, 55, 7[Liv.3,55,7] pour estimer avec raison que l’expression vient de Festus lui-même et qu’elle était absente du texte de la Lex Valeria Horatia de 449 avant J-C. C’était aussi l’avis de J. Béranger, Ordres et classes, p. 227.

[15] Liv. 5, 7, 7[Liv.5,7,7] ; voir notre contribution « Ordo pedester – mythe ou revendication » in les Mélanges, Zehnacker (à paraître).

[16] C. Nicolet, L’ordre équestre…, passim.

[17] Voir C. Nicolet, « Le cens sénatorial à l’époque républicaine et sous Auguste », JRS, 66, 1976, p. 20-38 (Des Ordres à Rome, p. 143-174) ; A. Chastagnol, « La naissance de l’ordo senatorius », MEFRA, 85, 1973, p. 583-607 (Des Ordres à Rome, p. 175-178).

[18] Voir J. Béranger, op. cit. ; J. Hellegouarc’h, op. cit., p. 429, où l’on trouvera regroupées toutes les références cicéroniennes notes 2, 4, 5, 6 et 7. Voir aussi, dans le même sens, la mise au point de C. Nicolet, « Le cens sénatorial… », in Des Ordres à Rome, p. 164-166.

[19] Caes. BC. 1, 3, 1[Caes.BC.1,3,1] ; voir Caes. BC. 1, 23, 2[Caes.BC.1,23,2] ; Caes. BC. 3, 33, 1[Caes.BC.3,33,1] ; Caes. BC. 83, 3[Caes.BC.3,83,3].

[20] Sall. BJ. 62, 4. Le passage est commenté par C. Nicolet, « Le cens sénatorial… », p. 167. Déjà, en Cat. 17, 3[Sall.Cat.17,3], les membres senatorii ordinis que Salluste recense comme faisant partie du complot pourraient n’être pas tous des sénateurs en titre, mais, pour certains d’entre eux au moins, des fils de sénateurs.

[21] Voir Val. Max. 7, 8, 4[Val.Max.7,8,4] ; Vell. 2, 32, 2[Vell.2,32,2] ; Suét. Calig. 49, 4[Suet.Calig.49,4]. Cette dernière référence est omise par C. Nicolet, in Des Ordres à Rome, p. 14, qui signale en revanche (note 19) comme « le cas le plus clair » la lex Iulia de maritandis ordinibus, CIL. 6, 32, 323, 57[CIL.6.32.323,57]. Sur cette loi, voir le commentaire de A. Chastagnol, « La naissance de l’ordo senatorius », in Des Ordres à Rome, p. 177 sq.

[22] Tac. H. 1, 88, 2 .

[23] Tac. H. 1, 89, 1[Tac.H.1,89,1].

[24] Liv. 26, 36, 12.

[25] Liv. 27, 21, 1.

[26] Liv. 23, 49, 3[Liv.23,49,3] :

Ii mores eaque caritas patriae per omnes ordines uelut tenore uno pertinebat

Tels étaient les mœurs et le patriotisme qui s’étendaient de manière en quelque sorte uniforme à travers tous les ordres

[27] Suét. Caes. 41, 4.

[28] Voir Cic. Rab. perd. 27[Cic.Rab.perd.27] ; Mil. 24[Cic.Mil.24] ; Cat. 4, 15[Cic.Cat.4,15] ; Ascon.[Ascon.17] in Pis., p. 17 Cl. ; [Ascon. 67]in Corn., p. 67 Cl.

[29] Ascon., p. 15[Ascon.15] :

Ut […] ex illis tribus ordinibus res iudicarent.

[…] de ces trois ordres, pour juger des affaires.

P 59 :

Lege sua iudicia inter tres ordines communicauit, senatum, equites, tribunos aerarios.

Par sa loi il mit les jugements entre les mains des trois ordres : le sénat, les chevaliers, les tribuns du trésor.

[30] Cass. Dio. 43, 25, 1[D.C.43,25,1].

[31] Sall. ad Caes. 2, 7, 11[Sall.adCaes.2,7,11] :

Quare omnes primae classis iudicare placet […].

C’est pourquoi il convient que les tribunaux soient confiés à tous les membres de la première classe […].

[32] La bibliographie sur la question est immense : on la trouvera, jusqu’en 1980, en Appendice de l’article de C. Virlouvet, « Le Sénat dans la seconde lettre de Salluste à César », in Des Ordres à Rome, p. 136-141. Elle-même se rallie à la thèse de l’authenticité. Voir depuis, dans le même sens, P. Frassinetti, « Sallustio », in Discorsi degli storici greci e latini, Milan, t. III, 1987, 1911 (avec bibliographie antérieure) ; E. Cizek, Histoire et Historiens à Rome dans l’Antiquité, Lyon, 1995, p. 111-112.

[33] Cic. Cluent. 152[Cic. Clu.152] ; Cat. 4, 15[Cic.Cat.4,15] ; voir Att. 1, 14, 4[Cic.Att.1,14,4] ; Off. 3, 88[Cic.Off.3,88], où il évoque son consulat. Il faut cependant y ajouter, omis par G. Achard, Resp. harusp. 60[Cic.Har.Resp.60], où l’expression semble bien désigner aussi les ordres traditionnels.

[34] G. Achard, op. cit., p. 37 sqq ; p. 60 sqq ; voir Cic. Sul. 79[Cic.Sull.79] ; Flac. 103[Cic.Flac.103] ; Domo. 94[Cic.Dom.94] ; Sest. 36[Cic.Sest.36] ; Fam. 1, 9, 13[Cic.Fam.1,9,13] ; 5, 21, 2[Cic.Fam.5,21,2].

[35] Cic. Cat. 4, 15-16.

[36] Dont il faut remarquer qu’une fois au moins ils sont désignés par un texte juridique comme constituant un ordo : Dig. 27, 1, 44, 3[Dig.27,1,44,3]. Mais la distance chronologique est trop grande pour qu’on puisse en induire quoi que ce soit.

[37] Cic. Cat. 4, 18-19.

[38] Cic. Sest. 37.

[39] Cic. Sest. 36.

[40] Auquel se rallie l’éditeur de la CUF, J. Cousin.

[41] Et non « par une décision privée », comme le propose J. Cousin, en opposant sommairement et improprement proprie à publice.

[42] Cic. Phil. 6, 18.

[43]Cic.Q.Fr.2,3, 4[Cic.Q.Fr.2,3,4]. Voir sur ce point les conclusions de H. Mouritsen, Plebs and Politics in the Late Roman Republic, Cambridge, 2001.

[44] Cic. Fam. 8, 17, 2.

[45] Cic. Att. 4, 1, 5[Cic.Att.4,1,5] ; 14, 16, 2[Cic.Att.14,16,2] ; Fam. 9, 14, 7[Cic.Fam.9,14,7]. Le terme apparaît cependant dans Cic. Rép. 2, 69[Cic.Rep.2.69] ; Phil. 2, 109[Cic.Phil.2,109] ; 13, 45[Cic.Phil.13,45].

[46] Cic. Phil. 2, 3[Cic.Phil.2,3].

[47] Sur la réalité que recouvre cette tradition du dualisme patricio-plébéien, nous renvoyons à J.-C. Richard, op. cit., passim.

[48] Liv.1, 9, 11[Liv.1,9,11] ; 15, 8[Liv.1,15,8] ; 17, passim[Liv.1,17,passim] ; 26, 5[Liv.1,26,5] ; 28, 7[Liv.1,28,7] ; 40, 1[Liv.1,40,1] ; 42, 3[Liv.1,42,3] ; 2, 1, 4-5[Liv.2,1,4-5] ; 21, 6, etc.[Liv.2,21,6] ; Cic. Rép. 2, 63[Cic.Rep.2,63] ; Leg. 3, 10[Cic.Leg.3,10] ; 24[Cic.Leg.3,24] ; 40[Cic.Leg.3,40] ; Diu. 1, 20[Cic.Diu.1,20] ; Sall. Cat. 33, 3[Sall.Cat.33,3] ; H. 1, Frg 11[Sall.H.1,Frg11].

[49] Voir Liv. 2, 61, 1[Liv.2,61,1] ; 3, 58, 4[Liv.3,58,4] ; 65, 7[Liv.3,65,7] ; 67, 6[Liv.3,67,6] ; 68, 11[Liv.3,68,11] ; 69, 4[Liv.3,69,4] ; 4, 7, 5[Liv.4,7,5] ; 48, 14[Liv.4,48,14] ; 60, 3[Liv.4,60,3] ; 5, 3, 5[Liv.5,3,5] ; 7, 1[Liv.5,7,1] ; 12, 12, etc.[Liv.5,12,12]

[50] Voir Liv.3, 19, 4[Liv.3,19,4] ; 63, 10[Liv.3,63,10] ; 4, 2, 11[Liv.4,2,11] ; 26, 9[Liv.4,26,9] ; 45, 8[Liv.4,45,8] ; 48, 9[Liv.4,48,9] ; 49, 12, etc.[Liv.4,49,12]

[51] Voir App. BC. 1, 1-2[App.BC.1,1-2] ; Suét. Diu. Iul. 14, 1-2[Suet.Caes.14,1-2] ; Corn. Nep. Att. 6, 1[Nep.Att.6,1] ; Luc. BC. 6, 793-796[Luc.BC.6,793-796] ; Plut. Luc. 5-43[Plu.Luc.5-43] ; Cras. 7-33[Plu.Crass.7-33] ; Sert. 11-27[Plu.Sert.11-27] ; Pomp. 16-80[Plu.Pomp.16-80] ; Caes. 7-69[Plu.Caes.7-69] ; Cat. Min. 4-73[Plu.Cat.Min.4-73] ; Cic. 4-49[Plu.Cic.4-49] ; Ant. 2-20[Plu.Ant.2-20] ; Brut. 1-27[Plu.Brut.1-27] ; Dio. 36-45, passim[D.C.36-45,passim]  ; Ascon. 140[Ascon.140].

[52] Dans « Présence de l’idéologie popularis dans la première décade de Tite-Live : les discours des tribuns de la plèbe », in Mélanges, Achard (à paraître).

[53] Sur cette éloquence et ses thèmes, nous renvoyons à nos travaux antérieurs : P.-M. Martin, « Sur quelques thèmes de l’éloquence popularis… », in Orateur, auditeurs, lecteurs : à propos de l’éloquence romaine à la fin de la République et au début du Principat (G. Achardet M. Ledentu éd.), Lyon, 2000, p. 27-40 ; id., « L’éthique de la conquête : un enjeu dans le débat entre optimates et populares », in Il pensiero della guerra nel mondo antico, CISA, 27, 2001, p. 141-171 ; id., « Le mos maiorum et l’idéologie popularis », in L’Ancienneté chez les Anciens, t. I (B. Bakhouche éd.), Publications de l’Université Montpellier III, 2003, p. 155-168.

[54] Voir P.-M. Martin, L’Idée de Royauté à Rome, t. II, Clermont-Ferrand, 1994, p. 108-118 ; voir déjà J. Hellegouarc’h, op. cit., p. 430.

[55] Sall. ad Caes. 2, 5, 1.

[56] Sall. BJ. 41, 5-6. Voir aussi Sall. H. 1, Frg 11M[Sall.H.1,Frg11M] :

Discessio plebis a patribus […]. Dein seruilii imperio patres plebem exercere.

La plèbe fit sécession des patriciens […]. Ensuite le pouvoir des patriciens mit la plèbe en servitude.

[57] Sall. Cat. 33, 4[Sall.Cat.33,4], lettre de Manlius :

Saepe ipsa plebs, aut dominandi studio permota aut superbia magistratuum, armata a patribus secessit.

Souvent la plèbe elle-même, poussée par le désir de dominer à son tour ou exaspérée par l’arrogance des magistrats, a pris les armes et s’est séparée des patriciens.

Sall. BJ, 31, 6[Sall.BJ,31,6], discours du tr. pl. Memmius :

Neque ego uos hortor, quod saepe maiores uostri facere, uti contra iniurias armati eatis. Nihil ui, nihil secessione opus est.

Et du reste je ne prétends pas vous exhorter, comme l’ont souvent fait vos ancêtres, à marcher contre l’injustice les armes à la main : nul besoin de force, nul besoin de sécession.

Sall. H. 3, Frg. 48, 1M[Sall.H.3,Frg48,1M], discours du tr. pl. Licinius Macer :

[…] quotiens a patribus armata plebes secessisset […].

[…] combien de fois la plèbe a pris les armes et s’est séparée du sénat […].

Sall. H. 4, Frg. 45M[Sall.H.4,Frg45M], menace de Pompée [?] :

Si nihil ante aduentum suum inter plebem et patres conuenisset, coram se daturum operam.

Si aucun accord n’était intervenu entre la plèbe et les sénateurs avant son arrivée, c’est lui qui s’en occuperait.

[58] Sall. BJ. 31, 6[Sall.BJ.31,6] et 17[Sall.BJ.31,17] ; 85, 36[Sall.BJ.85,36] ; H. 1, Frg. 55, 11[Sall.H.1,Frg55,11] ; 3, 48, 1 et 6M[Sall.H.3,Frg48,1et6M], voir P.-M. Martin, « Le mos maiorum et l’idéologie popularis… »

[59] Sall. BJ, 85[Sall.BJ,85].

[60] Sall. BJ. 31, 6-7.

[61] Sall. ad Caes. 2, 3, 3.

[62] Sall., ad Caes. 2, 3, 2[Sall.adCaes.2,3,2] :

Primum omnium summam potestatem […] senatoribus paucis tradidit (Pompeius), plebem Romanam […] in seruitute reliquit.

Sa première faute (de Pompée) est d’avoir remis à une poignée de sénateurs le pouvoir suprême […].

[63] Sur la date du traité et l’appartenance de son auteur au mouvement popularis, voir G. Achard éd., La Rhétorique à Herennius, Paris, 1989, p. vi -xiii ; xxix-xxx.

[64] Rh. H. 3, 7.

[65] G. Achard, Rhétorique à Herennius, p. 93, note 31.

[66] Voir, par exemple, Caes. BG. 1, 36, 4[Caes.BG.1,36,4] ; Hor. Ep. 1, 10, 19[Hor.Ep.1,10,19].

[67] Rh. H. 4, 47.

[68] Voir Cic. De Or. 3, 103[Cic.DeOr.3,103] ; Or. 138[Cic.Or.138] ; Quint. IO. 9, 1, 30[Quint.Inst.9,1,30].

[69] Prop. 3, 18, 21.

[70] Ov. F. 2, 127-128.

[71] Ov. F. 4, 293.

[72] Val. Max. 2, 7, 7.

[73] Mart. 4, 2, 3.

[74] Stat. Silv. 1, 6, 43-44.

 

 

 

 


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